Chronique ouvrière

Les congés payés sont sacrés et l’employeur qui les confisquent doit indemniser le salarié

dimanche 17 janvier 2016 par Alain HINOT
Cass. Soc. Le16 décembre 2015.pdf

On oublie trop souvent qu’en matière de congés payés l’employeur à un certain nombre d’obligations légales à respecter. Il doit d’abord informer les salariés de la période de prise de congés au moins 2 mois avant l’ouverture de la période (art. D 3141-5 CT), puis communiquer l’ordre des départs en congé à chaque salarié un mois avant son départ, de plus il doit afficher le tout dans les locaux normalement accessibles aux salariés (art. D 3141-6 CT) et s’assurer in fine que les salariés soient bien partis en congé.

Or, il arrive quelques fois que des employeurs ne s’embarrassent pas de ces formalités et que des salariés ne prennent pas tout ou partie de leurs congés avant la fin de la période légale (31 mai), soit qu’ils ne reçoivent pas l’invitation à le faire, soit qu’ils vouent tellement d’importance à leur fonctions ou "d’attachement" à leur patron, qu’il en "oublient" de partir.

Dans un arrêt de cassation partielle du 16 décembre 2015 (n° 14-11294 PB), la Cour de cassation rappelle que c’est à l’employeur et non au salarié de prouver qu’il n’a pas pu prendre ses congés payés. A défaut, l’entreprise peut être condamnée à verser des dommages intérêts au salarié en sus d’une indemnité de congés proprement dit, même si le salarié ne démontre pas qu’il a demandé à bénéficier de ses congés ou qu’il s’est heurté à une opposition de son employeur pour les prendre.

Dans cette affaire, le médecin chef d’un centre hospitalier (disposant d’une autonomie importante dans l’organisation du service) réclamait le paiement de congés payés qu’il n’avait pas pu prendre au cours des 5 années précédentes du faits, selon lui, d’un manque d’effectif et d’une surcharge de travail. La cour d’appel de Lyon déboutait notre allopathe de ses demandes (65 787 € au titre des congés payés proprement dit et 10 000 € de DI pour déloyauté contractuelle), au motif que l’ancien carabin ne démontrait pas avoir demandé à bénéficier du solde de ses congés payés non pris, ni s’être heurté à une quelconque opposition de la part de son employeur.

La Cour de cassation rappelle les juges du fond, dans un attendu de principe, "qu’eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés la directive européenne du 4 novembre 2003 (...), il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombe légalement".

Autrement dit, l’employeur ne peut se retrancher derrière l’abnégation d’un salarié et l’absence de demande de départ en congés de celui-ci pour s’exonérer de son obligation.

Rappelons cependant qu’il est possible pour l’employeur de convenir avec un salarié qui le souhaite d’un cumul de congés sur plusieurs périodes (cas notamment des travailleurs étrangers).


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