Chronique ouvrière

Danièle HANRYON, déléguée ICTS Roissy :"Le mouvement de grève observé en décembre 2011 sur les aéroports par les agents de sûreté a été un bel exemple de détermination"

mardi 24 janvier 2012

Le 24 janvier, l’Assemblée nationale doit commencer à examiner la proposition de loi déposée par Eric DIARD (député UMP), relative « à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers ».

Ce texte est « sorti du chapeau » lors du mouvement de grève observé en décembre dernier par les travailleurs de la sûreté aéroportuaire, qui a donné lieu à de fortes déclarations d’hostilité du gouvernement (voir, notamment, « Quand le droit de grève est pris en otage », Le Monde des 25 et 26 décembre 2011).

Danièle HANRYON : déléguée CGT à ICTS Roissy, une des entreprises de sûreté aérienne concernées par le conflit, a eu la gentillesse de répondre aux questions de Chronique Ouvrière.

Chronique Ouvrière : Quelles ont été les revendications à l’origine de la grève des agents de sûreté au mois de décembre dernier ? Quels ont été les temps forts du mouvement de grève ? Quelle a été l’issue de ce conflit ?

Danièle HANRYON : La revendication des 200 euros était la première. Elle correspondait au fait qu’à Marseille des salariés d’ICTS, l’entreprise où je travaille, gagnent 2OO euros de plus. (Cela est possible car ICTS a repris le marché il y a quelques mois et ces salariés dépendaient d’une autre convention collective. Cela a choqué dans toutes les entreprises de la sûreté). Les autres revendications étaient : l’arrêt des temps partiels, la subrogation, les conditions de travail, les reprises à 100% en cas de transfert, et, au fur et a mesure de la grève, le paiement des jours de grève.

La grève a été une grève dynamique, avec des salariés en colère, déterminés. Le fait qu’elle soit inter-entreprises, nationale, intersyndicale, qu’elle est été médiatisée parce que la revendication des 200 euros plaisait, a donné du courage.

Au fur et à mesure du conflit les grévistes se sont imposés et ont franchi des pas. Nous n’avions pas l’autorisation de défiler dans les aérogares. Nous l’avons fait… Nous avons tenu nos AG à heure fixe (2 par jour). Nous avons obtenu un médiateur dans les 3 jours du conflit. Nous nous sommes imposés dans les négociations (nous étions présents à 30 personnes et 39 à la dernière). Les patrons et les fédérations voulaient que ca se passe ailleurs qu’à Roissy. Les patrons disaient « ici ce n’est pas la démocratie directe ». Les fédérations étaient d’accord. Nous avons imposé de rendre compte au fur et à mesure des négociations. Nous avons surtout obtenu que ce conflit soit pris en compte sur tout le territoire et que si nous obtenions quelques chose, la plus petite des entreprises de la sûreté l’obtiendrait. C’est pour ces raisons que les appareils syndicaux se sont retrouvés a négocier pour la branche.

Ce qui a été obtenu ne correspondait en rien à ce qui avait été demandé par les grévistes. (une prime de 800 euros, l’augmentation de la prime de panier de 1,60 euros et la reprise du personnel a 100% au lieu de 85 en cas de transfert de personnel).

Bien qu’écœurés des signatures des appareils, sauf la cgt, cela a suffi aux salariés pour reprendre.

Chronique Ouvrière : Au cours du conflit, la police est « entrée en action ». Quelle forme a pris cette intervention ? Quelle a été son impact sur la grève ?

Danièle HANRYON : Depuis le début du conflit, les directions respectives ont essayé, comme ils le font lors de tous les conflits de pallier avec des non grévistes. Très vite ils se sont retrouvés avec du personnel non habilité à faire les fouilles. Ils ont aussi fait venir du personnel de l’étranger (Espagne, Hollande, Allemagne) pour remplacer les grévistes. Ce qu’on peut dire ; c’est que là le préfet donne toutes les autorisations, toutes les procédures, les agréments pour exercer, alors que toute l’année, pour nous, il n’est pas question du moindre écart en matière de validation des habilitations ou des procédures pas effectuées et les caméras qui sont là pour nous surveiller y veillent….

Les agents grévistes ont pris ça pour une provocation, les réactions syndicales n’ont pas été à la hauteur de ce qu’il aurait fallu faire.

Mais les policiers, s’ils pouvaient faire des fouilles au corps et ouvrir quelques sacs, ont été mis là plus pour faire une démonstration médiatique, car il ne pouvaient pas tout faire et entre autre se servir des rayons X . De plus ils ne les ont mis ni sur la piste ni en soute où de nombreux agents de sûreté étaient aussi en grève. De plus ils n’étaient pas non plus des centaines.

Les femmes de ménages de l’aéroport disaient : « Si c’étaient nous qui étions en grève, je ne crois pas qu’ils seraient venus nettoyer les chiottes de l’aéroport ».

Le personnel, comme nous, avons trouvé ça scandaleux.

Chronique Ouvrière : Une proposition de loi relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers va commencer à être examinée par l’Assemblée nationale le 24 janvier.

Le souci d’assurer la continuité du service public est l’une des raisons affichées de ce texte visant à une forte réglementation de l’exercice du droit de grève dans le transport aérien. Pourrais-tu nous parler un peu des entreprises de sûreté qui interviennent sur l’aéroport de Roissy ? Peuvent-elles être présentées comme associées à la « gestion du service public » ?

Danièle HANRYON : Dans la sûreté, il y a deux grandes activités : la première, la plus connue, ce sont les postes d’inspection filtrage (PIF), là ou les passagers se font fouiller juste avant l’embarquement. Ce sont des marchés ADP renégociés tous les 3 ans environs et qui vont soit à ICTS soit à BRINK soit à ALYSIA sûreté ou encore à Sécuritas. Je parle de Roissy ou le gestionnaire d’aéroport est ADP. Puisque c’est un marché ADP, les marchés des PIFS sont soumis a préavis.

L’autre activité est appelée « l’aviation » et nous travaillons pour les compagnies aériennes directement. Les marchés sont soumis à appel d’offres environs tous les trois ans. Mais là nous ne sommes pas soumis à préavis. Et parfois nous l’utilisons pour des grèves de secteur. J’ai oublié le fret, qui lui non plus n’est pas soumis à préavis. Mais lorsque nous appelons a une grève de tout l’établissement, nous déposons un préavis.

Si c’est un appel national de la fédération nous déposons quand même un préavis par entreprise, car les patrons, peut-être à tort, ne le reconnaissent pas.

Pendant la grève je crois que c’est la CFDT qui a saisi le tribunal, parce que la police nous remplaçait, « pour atteint au droit de grève ». Le tribunal a aussitôt affirmé que cela n’était pas le cas puisqu’il s’agit d’un service public.

Notre revendication est de demander d’être un service public pour le public. Puisque, avant 2000, c’est la police qui assurait ces missions.

Chronique Ouvrière : La proposition de loi prévoit la mise en place d’un « dispositif de dialogue social préventif à l’exercice du droit de grève  » complété par « une obligation de déclaration individuelle, confidentielle, de participation au mouvement de grève 48 heures à l’avance  ».
A ton avis, cette obligation d’un « préavis individuel » est-elle dangereuse ? Est-elle de nature à affaiblir le nombre des participants aux futures actions collectives ?

Danièle HANRYON : Nous déposons donc des préavis de 7 jours, si l’on prend en compte les délais de la poste. Les patrons nous reçoivent, mais utilise les journées de préavis à organiser les postes pour contrer la grève, trouver des agents pour nous remplacer. Une cellule de crise est mise en place avec les patrons, ADP, la police, le préfet... alors déjà ils s’organisent. Le dépôt individuel de 48h est un véritable obstacle car déjà avant la grève les patrons exercent de grosses pressions, menacent les salariés, donc se sera plus difficile. Tout dépendra, comme d’habitude, de la détermination.


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