Chronique ouvrière

L’usine de Clairoix a été fermée pour accroître les profits ! 680 Conti obtiennent du juge prud’homal une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

mardi 3 septembre 2013 par Pascal MOUSSY
CPH Compiègne 30 août 2013.pdf

Le 14 février dernier, le Tribunal administratif d’Amiens avait rendu un jugement remarqué en annulant l’autorisation de licenciement de Xavier MATHIEU et d’autres représentants du personnel, après avoir considéré que la fermeture du site de Clairoix n’avait pas été justifiée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la société CONTIINENTAL SNC d’une menace réelle et durable (voir Marie-Laure DUFRESNE-CASTETS et Pascal MOUSSY, « En annulant l’autorisation de licenciement de Xavier MATHIEU, le Tribunal administratif d’Amiens désavoue WOERTH et SAPIN. Ce n’est pas la sauvegarde de la compétitivité de CONTINENTAL qui a été à l’origine de la fermeture de l’usine de CLAIROIX ! », Chronique Ouvrière du 20 février 2013, http://www.chronique-ouvriere.fr/spip.php?article669).

Le jugement qui vient d’être rendu le 30 août par le Conseil de prud’hommes de Compiègne est encore moins passé inaperçu. 680 Conti ont fait judiciairement constater qu’ils avaient été licenciés à tort !

Contrairement à ce qui a été faussement déclaré au journal Libération, le juge n’a pas validé de « nouveaux critères » pour mettre fin à l’immunité des sociétés mères qui transfèrent sur leurs filiales la responsabilité de licenciements illégitimes (voir « Continental : invalidation aux prud’hommes du licenciement de près de 700 salariés », http://www.liberation.fr/societe/2013/08/30/continental-invalidation-aux-prud-hommes-de-700-ex-salaries_928225).

Mais il ressort de la lecture de la décision prud’homale du 30 août qu’iil a effectué un travail remarquable de juge du fond en vérifiant rigoureusement et minutieusement quelles étaient les sociétés qui devaient assumer la qualité d’employeur au regard des critères posés par la jurisprudence de la Cour de cassation.

C’est en s’inscrivant dans le droit fil des conditions voulues par le Code du travail et par une jurisprudence constante de la Cour de cassation que le Conseil de prud’hommes de Compiègne a ensuite examiné si les licenciements des 680 salariés demandeurs reposaient sur une cause réelle et sérieuse.

Avant de se livrer à ses différentes investigations, le Conseil de prud’hommes a présenté le groupe CONTINENTAL.

CONTINENTAL AKTIENGESELLSCHAFT, société de droit allemand, est la société mère du groupe CONTINENTAL, qui est l’in des principaux équipementiers automobiles à l’échelle mondiale.

Le groupe CONTIENTAL est scindé en deux pôles d’activités : d’une part, l’activité « automotive » qui regroupe des activités diverses, d’autre part, l’activité « caoutchouc » qui est dédiée aux activités liées aux pneumatiques.

L’activité du groupe « caoutchouc » est répartie en trois divisions dont l’une est la division « Passenger and Light Truck Tires » (P.L.T.), qui correspond à l’activité de de conception, de fabrication et commercialisation de pneumatiques pour voitures de tourisme et pour camions légers.

La filiale SNC CONTINENTAL France appartient à la division P.L.T.

I. Les sociétés CONTINENTAL FRANCE et CONTINENTAL AKTIENGESELLSHAFT devaient assumer toutes les deux les responsabilités de l’employeur.

« Le co-emploi constitue une technique juridique permettant de rendre la société mère débitrice des obligations imposées par le Code du travail. Cette notion d’employeur conjoint permet, ainsi, de fonder la responsabilité in solidum de deux sociétés appartenant à un même groupe » (E. PESKINE, « La responsabilisation des sociétés mères », Dr. Ouv. 2013, 158).

Les auteurs qui ont étudié la question ont fait ressortir l’existence de deux modes de reconnaissance du co-emploi (voir G. AUZERO, « La qualité de co-employeur », Revue de Droit du Travail 2010, 635 ; G. COUTURIER, « La fermeture d’une filiale : les recours des salariés licenciés », Dr. Soc. 2011, 375 et s. ; E. PESKINE, art. préc., 159).

Le premier consiste à identifier un lien de subordination entre le salarié et la société mère. « Ce sont donc les actes de la société-mère qui s’avèrent déterminants dans cette recherche, son implication dans les décisions concernant le salarié concerné » (E. PESKINE, art. préc., 159). (Voir, dans ce sens, Cass. Soc. 24 mars 1969, n° 67-40700, Bull. V, n° 209 ; Cass. 28 septembre 2010, n° 09-41243).

Le second repose sur l’administration de la preuve d’une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre deux sociétés. « Ce sont bien ici les relations unissant deux personnes morales qui sont placées sur le devant de la scène » E. PESKINE, art. préc., 159). (Voir, dans ce sens, Cass. Soc, 18 janvier 2011, 09-70310 ; Cass. Soc. 22 juin 2011, n° 09-69021). Il a été souligné par la Cour de cassation qu’à partir de l’instant où est reconnue une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre une société mère et une société filiale, il n’est pas nécessaire de constater l’existence d’un rapport de subordination individuel subordination individuel de chacun des salariés de la société filiale à l’égard de la société mère (voir Cass. Soc. 28 septembre 2011, n° 10-12278 à 10-13486 ; Cass. Soc. 12 septembre 2012, n° 11-12343 à 11-12350).

Le Conseil de prud’hommes de Compiègne a expliqué, d’une manière précise et détaillée, en quoi il y avait une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre CONTINENTAL AKTIENGESELLCHAFT et la SNC CONTINENTAL FRANCE.

Il lui est apparu, à la lecture des pièces versées aux débats, que les interventions de la première société dans le fonctionnement de la seconde dépassaient le degré normal des règles de fonctionnement d’un groupe de sociétés.

L’immixtion de la société mère dans la direction de sa filiale était incontestable.

La décision de restructuration de la filiale a été prise au niveau de la direction de la société mère, sans marge de décision de la SNC CONTINENTAL FRANCE. La direction de la filiale n’avait pour fonction que de mettre en œuvre la décision de fermeture du site de Clairoix prise au niveau de la tête du groupe.

CONTINENTAL AKTIENGESELLCHAFT a activement participé à la mise en œuvre concrète de la fermeture du site.

L’activité économique de la SNC CONTINENTAL France était entièrement sous la dépendance du groupe CONTINENTAL. Le site de Clairoix ne pouvait fonctionner qu’en répondant strictement aux conditions fixées par la maison mère, puisque, à défaut, les investissements « indispensables au développement du site » n’étaient pas débloqués « par Hanovre », freinant de fait la productivité et, partant, la rentabilité et la viabilité du site de production de Clairoix.

L’activité de la filiale dépendait des commandes confiées par le groupe et sa production était revendue selon les critères fixés par CONTINENTAL AKTIENGESELLCHAFT.

CONTINENTAL AKTIENGESELLCHAFT dictait à la SNC CONTINENTAL FRANCE ses choix stratégiques en vue de la réalisation des intérêts du groupe, y compris en s’assurant de la gestion des ressources humaines. Il a été notamment été révélé par les pièces versées au dossier que les critères d’attribution de primes aux salariés de la filiale étaient dictés par des règles établies par la société mère.

Le Conseil de prud’hommes de Compiègne n’a pu qu’en déduire que la SNC CONTINENTAL FRANCE était entièrement soumise aux instructions et directives de la direction du groupe, au seul profit de celui-ci.

L’absence d’autonomie véritable de la SNC CONTINENTAL FRANCE vis-à-vis de CONTINENTAL AKTIENGESELLCHAFT permettait donc de caractériser, pour ces sociétés juridiquement distinctes, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction dont il fallait déduire la qualité de co-employeur de CONTINENTAL AKTIENGESELLSCHAFT à l’égard de la SNC CONTINENTAL FRANCE.

Lorsque deux société sont co-employeurs, la cause réelle et sérieuse du licenciement doit exister au sein des deux entités. En cas de licenciement pour motif économique, celui-ci doit être apprécié au regard de la situation respective de chacun des co-employeurs et la lettre de licenciement doit exposer une motivation économique pour chaque entreprise ayant la qualité d’employeur. C’est pourquoi la Cour de cassation pose le principe que le licenciement prononcé par une des deux sociétés n’est pas motivé et doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse, lorsque les motifs inscrits dans la lettre de licenciement ne concernent que l’une seule des deux sociétés (voir Cass. Soc. 9 janvier 2008, n° 06-44522).

Le Conseil de prud’hommes de Compiègne a appliqué cette règle.

Après avoir rappelé que la rupture du contrat de travail de l’employeur principal, à savoir la SNC CONTINENTAL France, est réputée prononcée par le co-employeur CONTINENTAL AKTIENGESELLCHAFT, le juge prud’homal a relevé que les motifs énoncés dans la lettre de rupture du contrat de travail ne concernent que la SNC CONTINENTAL France, à l’exclusion du co-employeur, qui ne motive pas, pour sa part, le motif de rupture du contrat.

Il ne pouvait dès lors que constater l’absence de cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail.

II. La sauvegarde de la compétitivité de la division P.L.T n’était pas menacée.

Depuis l’arrêt Vidéocolor du 5 avril 1995, il est acquis que les difficultés économiques invoquées pour justifier le licenciement doivent être appréciées au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise concernée (voir Ph. WAQUET, « Le niveau d’appréciation des conditions du licenciement économique », Dr. Soc. 1995, 482 et s. ; Cass. Soc. 12 janvier 2012, n° 09-72203).

Lorsqu’il s’agit d’un groupe de dimension internationale, il est précisé qu’il doit être tenu compte des résultats du secteur d’activité à l’étranger (Cass. Soc. 12 juin 2001, n° 99-41839, Bull. V, n° 215), sans exclure aucun des pays concernés (Cass. Soc. 10 décembre 2003, n° 01-47332 ; Cass. Soc. 4 mars 2009, n° 07-42831, Bull. V, n° 07-42831, Bull. V, n° 57).

Les arrêts Page Jaunes du 11 janvier 2006 ont admis que la notion de « sauvegarde de la compétitivité » permettait des licenciements « préventifs ». Mais dans un communiqué de presse relatif à ces décisions, la Cour de cassation a rappelé que la source des difficultés appelant des mesures d’anticipation devait être établie. « Ainsi, la sauvegarde de la compétitivité ne constitue pas un motif de licenciement qui serait effectué pour prévenir des difficultés économiques sans autre justification » (Liaisons sociales, « Le licenciement économique. Identifier le motif. Respecter les procédures », numéro spécial de septembre 2012, 23).

Il doit dès lors être caractérisé l’existence d’une « menace » pesant sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe dont relève l’entreprise (Cass. Soc. 31 mai 2006, n° 04-47376, Bull. V, n° 200).

Une telle « menace » n’est pas établie, lorsque la réorganisation vise à une amélioration des marges qui sont positives (Cass. Soc ; 13 septembre 2006, n° 05-41665), à une augmentation des profits (Cass. Soc. 30 septembre 1997, n° 94-43733, Bull. V, n° 291) ou à privilégier le niveau de rentabilité de l’entreprise au détriment de la stabilité de l’emploi (Cass. Soc. 1er décembre 1999, n° 98-42746, Bull. V, n° 466 ; Cass. Soc. 6 mars 2007, n° 05-42271).

C’est seulement lorsqu’est établie une baisse significative et continue du chiffre d’affaires que des licenciements pour motif économique reposent sur une cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 14 septembre 2010, n° 09-67001).

Le Conseil de prud’hommes de Compiègne a rappelé ces différentes exigences présidant à la reconnaissance de la cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique présenté comme voulu par la sauvegarde de la compétitivité.

Le jugement prud’homal du 30 août 2013 a souligné que « si une réorganisation de l’entreprise peut constituer une cause économique de licenciement, cette réorganisation doit être justifiée, non par le seul souci d’améliorer le fonctionnement de l’entreprise, mais par des difficultés économiques et/ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise dans son secteur d’activité ou dans celui du groupe auquel elle appartient, ce qui suppose de démontrer que cette compétitivité soit menacée et l’organisation existante de l’entreprise soit impuissante à y pallier ».

Il a ensuite procédé à plusieurs constatations faisant ressortir l’absence de menace pesant sur la compétitivité de la division P.L.T. du groupe CONTINENTAL, le secteur d’activité auquel appartient la société SNC CONTINENTAL FRANCE.

• Depuis le début des années 2000, la division P.L.T. a connu une croissance soutenue ininterrompue.

• Les chiffres contradictoirement débattus à l’audience et corroborés par les pièces versées aux débats attestent une situation économique saine, voire une très bonne santé financière, pour la division P.L.T. du groupe CONTINENTAL. Ni la réalisation d’un chiffre d’affaires moindre pour l’année 2009, ni la baisse des bénéfices réalisés pendant la même période, ne suffisent à caractériser la réalité des difficultés économiques alléguées par l’employeur dans la lettre de rupture du contrat de travail ou encore le fait que cette baisse soit durable.

• Dans l’hypothèse où une surproduction de pneus aurait effectivement lieu, causant des pertes financières, il appartient à l’employeur de démontrer qu’à la date de la décision de la fermeture du site de Clairoix, lesdites surproductions de pneus auraient générées des difficultés économiques sérieuses au point de peser sur sa compétitivité ou sur celle de la division P.L.T. du groupe. Ce qui n’est pas le cas.

• La sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l’amélioration des résultats et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de celle-ci ne constitue pas une cause économique de licenciement.

• L’une des raisons expressément invoquée au soutien de la rupture du contrat de travail est la participation au désendettement du groupe CONTINENTAL, générée par le rachat du groupe SIEMENS pour le compte de son sous-groupe « automotive » en 2007, auquel la division P.L.T. devait participer. Il résulte des éléments versés aux débats que, dès la fin du premier trimestre 2009, le groupe CONTINENTAL avait entamé un processus de réduction de sa dette, sans qu’il soit établi qu’il en serait résulté des difficultés d’exploitation particulières et durables pour la division P.L.T., seule à prendre en considération au titre du secteur d’activité concerné.

Le Conseil de prud’hommes de Compiègne n’a pu déduire de ses différentes constatations que la suppression du site de production de Clairoix ne se justifiait que par la volonté d’accroître d’avantage les profits du groupe CONTINENTAL et non par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe, à savoir la division P.L.T., auquel appartient la SNC CONTINENTAL FRANCE.

III. Un manquement manifeste à l’obligation de rechercher sérieusement à reclasser avant de licencier.

Les dispositions de l’article L. 1233-4 du Code du travail affirment que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que si le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient. Ces mêmes dispositions soulignent que les offres de reclassement proposées doivent être écrites et précises.

L’article 21 de la convention collective du caoutchouc applicable aux salariés de la SNC CONTINENTAL FRANCE impose la recherche de possibilités de reclassement « susceptibles de convenir aux salariés ».

Il a été souligné que le co-employeur n’est pas seulement débiteur des indemnités de licenciement mais qu’il peut également être mis à sa charge l’obligation de recherche du reclassement (voir E. PESKINE, art. préc., 159 ; Cass. Soc. 1er juin 2004, n° 01-47165 ; Cass. Soc. 28 septembre 2011, n° 10-12278 à 10-13486).

Depuis l’arrêt Vidéocolor, le principe a été posé que les entreprises du groupe concernées par la recherche du reclassement sont « les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel » (voir Cass. Soc. 5 avril 1995, Dr. Soc. 1995, 488 ; Cass. Soc. 7 avril 2004, n° 01-42882, Bull. V, n° 112 ; Cass. Soc. 25 octobre 2006, n° 04-48583).

Les offres de reclassement doivent être précises, concrètes et personnalisées (voir Cass. Soc. 7 juillet 2004, n° 02-42289 ; Cass. Soc. 18 janvier 2005, n° 02-46737 ; Cass. Soc. 27 mai 2009, n° 07-42227 ; Cass. 30 mars 2011, n° 09-69018).

L’employeur ne saurait se borner à solliciter des salariés qu’ils précisent, dans un questionnaire renseigné avant toute recherche et sans qu’ils aient été préalablement instruits des possibilités de reclassement susceptibles de leur être proposés, leurs vœux de mobilité géographique en fonction desquels il avait ensuite limité ses recherches et propositions de reclassement (Cass. Soc. 4 mars 2009, n° 07-42381, Bull. V, n° 57).

Une interrogation succincte et en termes généraux d’autres entreprises du groupe ne vaut pas recherche sérieuse de reclassement (Cass. Soc. 7 octobre 1998, n° 96-42812, Bull. V, n° 407), pas plus que l’envoi de lettres circulaires (Cass. Soc. 13 février 2008, n° 06-44984 ; Cass. Soc. 31 mars 2009, n° 07-45065 à 07-45198) ou d’une lettre type (Cass. Soc. 13 janvier 2010, n° 08-41446) aux autres sociétés du groupe.

Par un arrêt du 28 septembre 2011 (n° 10-23703, Bull. V, n° 198), la Chambre sociale de la Cour de cassation a souligné que « les possibilités de reclassement doivent être recherchées jusqu’à la date du licenciement ». Ce qui met en évidence que l’effort de reclassement doit précéder le moment où intervient la rupture du contrat de travail.

C’est après avoir fait application de ces règles définissant, en l’espèce, la recherche sérieuse de reclassement que le Conseil de prud’hommes de Compiègne a conclu à l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

Le juge prud’homal a relevé que la SNC CONTINENTAL FRANCE ne rapportait pas la preuve qu’elle avait tout mis en œuvre pour identifier des postes dans les différents pays d’implantation de CONTINENTAL et qu’en particulier, elle ne justifiait pas avoir transmis aux autres entreprises du groupe une liste exhaustive des salariés avec toutes leurs caractéristiques propres de façon à mettre les autres sociétés du groupe en mesure de lui proposer efficacement les emplois de même catégorie ou de catégorie inférieure pour chaque salarié pris individuellement.

Il n’a pu que rappeler que l’obligation de recherche de reclassement n’est pas satisfaite lorsqu’elle se limite à l’envoi de lettres circulaires.

Il est constaté dans le jugement prud’homal que, trois jours après l’annonce de la fermeture éventuelle du site de production de Clairoix, des membres des ressources humaines du groupe CONTINENTAL ont été sollicités en vue de fournir des informations relatives à des postes pouvant être offerts pour le reclassement des salariés du site de Clairoix. Mais il est souligné que les co-employeurs n’ont pas démontré avoir relancé les directions des ressources humaines toutes les fois qu’elles ne répondaient pas sur les éventuels postes disponibles en leur sein et n’ont pas apporté la preuve d’une recherche active individualisée.

Le Conseil de prud’hommes de Compiègne a relevé qu’il ressortait des pièces versées aux débats que de réels efforts de reclassement avaient été fournis postérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce qui n’était pas de nature à invalider le constat selon lequel ces efforts avaient été insuffisants antérieurement à ladite rupture.

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Le Conseil de prud’hommes de Compiègne a condamné les deux co-employeurs, la société SNC CONTINENTAL FRANCE et CONTINENTAL AKTIENGESELLSHAFT à verser à chacun des salariés demandeurs une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le montant a été calculé en prenant en considération l’âge, l’ancienneté des services au sein de la SNC CONTINENTAL France, le montant de la rémunération, la formation et les capacités à retrouver un nouvel emploi.

Les salariés injustement licenciés ont ainsi obtenu des sommes allant de 40 000 à 70 000 euros.

Cette victoire a cependant un « goût amer », comme l’a relevé Xavier MATHIEU. Elle ne fait pas disparaître « la catastrophe incommensurable » provoquée par la fermeture du site de Clairoix, pour reprendre les propos de Pierre SOMME, l’un des militants syndicaux actuellement en charge du suivi du reclassement.

Il a été récemment indiqué par la direction départementale de Pôle Emploi que 465 anciens Conti figurent dans ses fichiers, dont 100 qui arriveront en fin de droits d’ici l’été prochain (voir Fanny DOUMAYROU, « Continental n’aurait pas dû fermer son usine de Clairoix », L’Humanité du 2 septembre 2013).

Il a été relevé dans l’éditorial du journal Le Monde consacré au jugement prud’homal du 30 août (« Les « Conti » et le dialogue social en France », Le Monde des 1er et 2 septembre 20013) que « les indemnités même les plus confortables ne pourront pas tout réparer. Les syndicats ont recensé depuis la fermeture de Clairoix deux suicides et pas moins de 256 divorces parmi les ex-employés du site ». Pour ajouter un plus loin que « d’autres solutions étaient envisageables pour Clairoix » du genre de « l’accord de compétitivité signé ce printemps chez Renault »...

Nous laisserons le journaliste qui s’est transformé en publicitaire pour les remèdes patronaux face à ses responsabilités. En ce qui nous concerne, nous préférons conclure en écrivant qu’il serait plus approprié d’interdire les licenciements.


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