Chronique ouvrière

Fermeture de la station Esso Duquesnay au Marin : la SADAG, instrument de Esso Antilles Guyane, condamnée !

samedi 28 août 2010 par Gabriel JEAN-MARIE (CGTM)

La compagnie pétrolière ESSO est propriétaire de toutes les stations service portant cette enseigne en Martinique. Mais pour les exploiter, elle conclut des contrats dits de location-gérance avec des personnes physiques ou morales qui exploitent le fonds à leurs risques et périls. Ces locataires gérants sont donc libres de mener leur barque comme bon leur semble. Enfin ! Presque. Cette liberté est tout de même fortement encadrée. Par exemple, les locataires gérants ne peuvent pas effectuer de travaux sans l’autorisation écrite d’ESSO. Et en cas de décès d’un locataire gérant, il n’y a pas de poursuite automatique de l’exploitation du fonds par ses enfants. Chacun aura compris qu’un locataire-gérant n’est en fin de compte qu’une interface entre les salariés de la station-service et la compagnie qui ne veut surtout pas apparaître comme étant le véritable employeur. C’est ce qu’ont pu vérifier les salariés de la station Esso Duquesnay du Marin, mais également les juges qu’ils ont saisi suite à leurs licenciements.

Ainsi, en octobre 2005, le gérant de la station service ESSO située à côté de l’ancienne usine du Marin meurt. Le même jour, dans la soirée, ESSO Antilles Guyane, qui de toute évidence attendait l’heure fatale, dépêche à la station un huissier chargé de faire l’inventaire et récupérer les clés.

Dans la foulée, et pour tenter de rassurer les salariés, Esso AG chargea son responsable de réseau de rencontrer les salariés. Ce qu’il fit quelques jours plus tard au cours d’une réunion tenue à Rivière-Pilote, en présence d’un représentant de la CGTM. Il annonçât ainsi que ESSO Antilles Guyane allait récupérer le personnel, faire le nécessaire pour les reclasser dans d’autres stations, etc. Bien évidemment, aucune solution ne fut trouvée et les voilà tous licenciés le 5 décembre 2005. Mais, surprise, ce fut par une société dont les salariés en entendaient parler pour la première fois : la Société Auxiliaire d’Aide Générale (SADAG). Cette dernière leur annonçât qu’elle «  a dû reprendre en catastrophe la gérance de la station suite au décès du gérant, mais le propriétaire ayant décidé la cessation de l’exploitation de ce point de vente, ils sont licenciés pour motif économique  ».

Les salariés décidèrent alors, en mars 2006, de porter l’affaire devant le Conseil de prud’hommes. Ce dernier condamna la SADAG, dans un jugement rendu le 18 novembre 2008, à payer à chaque salarié entre 14500 et 17500 euros. La SADAG, non satisfaite, fait alors appel devant la Chambre sociale de la Cour d’Appel de Fort de France. Mauvais calcul !

Dans un arrêt rendu le 24 septembre 2009 «  avant dire droit au fond  », la Cour d’appel pointa une manœuvre. C’est ainsi qu’elle écrivit, à propos d’un extrait K’Bis versé aux débats par la SADAG, «  de tentative maladroite pour induire la cour en erreur  ». Et elle «  ordonne aux intimés de faire citer Esso Antilles-Guyane SAS pour l’audience du jeudi 26 novembre 2009  ». Elle voulait savoir qui était le véritable employeur : Esso AG ou SADAG.

Dans son arrêt rendu le 24 juin 2010, la Cour d’appel déclara que «  la société ESSO n’étant pas partie aux contrats de travail doit en conséquence être mise hors de cause  ». C’est qu’entre temps, la SADAG a pu produire un contrat de location gérance enregistré au Centre des Impôts du Marin le 1er décembre 2005. Ce contrat établit donc que la SADAG est le véritable employeur. En conséquence, la Cour d’Appel confirma donc, dans ce même arrêt, le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Fort de France condamnant la SADAG. Elle se justifia en relevant que les difficultés économiques concernaient ESSO, et non la SADAG. Mais la Cour d’appel montra également qu’elle n’était pas dupe de la manœuvre citée dans son arrêt du 24 septembre 2009, en pointant «  la particulière désinvolture manifestée par le locataire gérant, instrument de la société Esso Antilles Guyane, tant à l’égard des salariés qu’à l’égard des règles d’ordre public du code du travail  ». Dit d’une autre manière : «  nous juges ne sommes pas des idiots  ». Et comme la SADAG est apparemment volontaire pour tout assumer en lieu et place de ESSO, les juges de Tartenson ont augmenté la note, en faisant passer la sanction à 26000 euros pour chacun des salariés, non compris les intérêts légaux.

Question : Esso Antilles Guyane SAS, récompensera-t-elle la SADAG pour son dévouement et si oui, comment ? En lui offrant peut être un tigre pour mieux carburer et vite récupérer sa mise ?

Les annexes ci-desous sont à consulter avec Adobe Acrobat Reader

Annexe 1 : CPH Fort de Fance, 18 novembre 2008.

CPH 18 nov 08 ESSO SADAG.pdf

Annexe 2 : CA Fort de France, 24 septembre 2009.

CA Fort de France 24 sept 09 SADAG.pdf

Annexe 3 : CA Fort de France, 24 juin 2010.

CA Fort de France 24 juin 2010 SADAG.pdf

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