Chronique ouvrière

Préjudice d’anxiété : militons pour que l’arrêt du 5 avril ouvre d’ autres possibilités !

jeudi 16 mai 2019 par Serge FRANCESCHINA
Cass. Ass. plén. 5 avril 2019.pdf

En 2010 le CHSCT de l’usine Sanofi de Vitry demandait l’inscription du centre de production sur la liste des établissements ouvrant droit à l’ACAATA.
En effet le bilan du service médical faisait apparaitre alors un bilan de 43 pathologies dues à l’exposition à l’amiante dont 14 avaient entrainé le décès.
Sollicitée par l’inspection du travail, la direction de Sanofi exprimait son désaccord et dans la foulée le ministère du travail refusait l’inscription
Conscients de la solidité de notre dossier, nous faisions néanmoins appel de cette décision mais la cour administrative d’appel de Paris rejetait notre demande au motif que " la durée d’exposition à l’amiante n’était pas significative " ! Ce qui était totalement arbitraire car il n’y a pas de seuil d’exposition" significative" et cette notion n’a d’ailleurs jamais été explicitée depuis par les tribunaux.
Entre temps et sur les conseils de l’ANDEVA, 10 ouvriers et techniciens retraités du site, représentatifs des secteurs les plus touchés par l’amiante, décidaient d’engager une action pour préjudice d’anxiété car l’inquiétude gagnait les salariés au fur et à mesure qu’ils découvraient les ravages causés par l’amiante sur le site.

En janvier 2015, les prud’hommes rejetaient notre demande car, entretemps, le préjudice d’anxiété était réservé aux seuls salariés des établissements inscrits sur la liste ACAATA. Néanmoins nous faisions appel de cette décision, informés par notre avocate des remous existants dans la magistrature à ce sujet. Mais visiblement la situation n’était pas encore mûre car la cour d’appel de Paris rejetait notre demande en février 2017 bien que, notre avocate ait insisté cette fois-ci sur la notion de "violation de l’obligation de sécurité" de l’employeur.

Nous apprenons désormais, avec l’intervention de l’arrêt de la cour de cassation du 5 avril 2019, que ce préjudice d’anxiété pourra désormais de nouveau être accordé aux salariés pouvant bien sûr prouver la véracité de leur exposition à l’amiante, même s’ils n’ont pas travaillé dans un établissement classé ACAATA.

Certes, nous avons été à contretemps malheureusement de l’évolution des décisions de justice mais nous ne regrettons en aucun cas ces années de procédure car nous avons conscience que c’est l’action conjuguée des associations et organisations syndicales d’une part et, d’autre part ces actions judiciaires qui ont permis que le préjudice d’anxiété ne soit plus restreint comme auparavant. D’ores et déjà nous avons pour objectif de trouver 10 nouveaux salariés qui reprendront le flambeau.

Le plus important, pour nous, dans l’arrêt rendu par la cour de cassation le 5 avril, c’est qu’il ouvre la possibilité, en tout cas nous l’espérons, qu’il soit étendu à l’exposition des salariés à tous les dangers entrainant un risque élevé de développement de pathologies graves. Dans ce cas, cet arrêt serait un véritable outil de prévention du fait qu’il est fondé sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Cela nous paraît d’autant plus essentiel que, du fait du passage de l’usine vers les biotechnologies, nous sommes désormais confrontés à des risques que nous ignorons.
Le fait que l’employeur devra prouver qu’il a pris les mesures nécessaires pour assurer notre sécurité et protéger notre santé en cas de recours aux tribunaux est un élément qui pourra l’inciter à une meilleure prévention.
Cela dit, nous avons deux cas à l’usine d’ouvriers atteints de leucémie du fait de l’exposition au benzène, reconnus tous les deux en maladie professionnelle, mais qui n’ont pas pu engager de procédure en faute inexcusable car l’employeur pouvait, sans difficultés, démontrer qu’il avait informé des dangers et fourni les moyens de protection.
L’obligation de sécurité n’est pas, hélas, une obligation de résultat. Ils ont été empoisonnés légalement en somme !

Serge FRANCESCHINA, militant syndical CGT Sanofi Vitry.


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