Chronique ouvrière

Des co-employeurs condamnés solidairement par des juges prud’hommes ardéchois doublement compétents

vendredi 6 juin 2008 par Pascal MOUSSY
Décision du Conseil de Prud’hommes d’Aubenas du 15 avril 2008.pdf
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L’ensemble des salariés de la société BSA, constituée d’un site de production à Bourg Saint Andéol (en Ardèche), a été licencié pour motif économique, après la mise en liquidation judiciaire de la société.

Considérant avoir été licenciés sans qu’aient été préalablement effectuées des recherches sérieuses de possibilités de reclassement, 33 des salariés concernés ont saisi la juridiction prud’homale en vue d’obtenir une indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Jusque là, la situation, malheureusement, n’a rien d’original.

Mais les salariés demandeurs n’ont pas vraiment fait comme tout le monde. Ils ont sollicité la mise hors de cause de l’AGS et la condamnation solidaire des sociétés Novoceram, société mère détenant BSA à 100 % et Gruppo Concorde, société détenant Novoceram par l’intermédiaire d’une filiale.

Les deux sociétés mises en cause ont contesté la compétence matérielle du conseil de prud’hommes. Et la société Gruppo Concorde a contesté la compétence territoriale du Conseil d’Aubenas au profit du Tribunal de Modène.

Le Conseil de Prud’hommes a rejeté le grief d’incompétence qui lui était doublement adressé.

En ce qui concerne sa compétence matérielle, il n’a pas été convaincu par l’argument des deux sociétés qui faisaient valoir qu’il n’y avait pas de contrats de travail entre elles et les salariés de BSA.

La lecture attentive des pièces du dossier a permis aux juges prud’homaux de relever que toutes les sociétés concernées étaient unies entre elles par des liens faisant ressortir un pouvoir de décision partagé dans le domaine de la gestion du personnel des salariés de la société BSA et dans le domaine industriel et technique.

Les compte-rendus des différentes phases de la procédure de licenciement concernant les salariés demandeurs mettaient également en évidence le pouvoir de direction conjoint exercé par les dirigeants des trois sociétés.

Le Conseil de Prud’hommes a également relevé la communauté d’intérêts résultant de l’imbrication des capitaux, de l’immixtion des deux sociétés dans la gestion de BSA, d’un service comptable, administratif, technique et financier commun, de l’utilisation de machines et de procédés de fabrication et de composition italiens et d’une production entièrement dédiée à la société Novoceram.

Le Conseil de Prud’hommes d’Aubenas, après avoir constaté que les sociétés BSA, Novoceram et Gruppo Concorde constituaient un ensemble uni par la confusion de leurs intérêts, activités et de directions au sein duquel les salariés étaient soumis au pouvoir de direction et disciplinaire des trois sociétés, n’a pu que considérer que les trois sociétés en cause agissaient en qualité de co-employeurs.

Les licenciés de BSA étaient dès lors fondés à les attraire devant la juridiction prud’homale pour qu’elles répondent des conditions irrégulières dans lesquelles avaient été prononcés les licenciements.
La compétence matérielle acquise, il restait à examiner la compétence territoriale du Conseil d’Aubenas à l’égard de la société italienne Gruppo Concorde.

La lecture du règlement communautaire 44 / 2001 du 22 décembre 2000 donnait la solution.

En vertu de ce texte, un employeur ayant son domicile sur le territoire d’un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail.

S’inscrivant dans la démarche déjà suivie par un arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 19 juin 2007 (n° 05-42.551 ; Bull.V, n° 109), le Conseil de Prud’hommes d’Aubenas, après avoir relevé que , selon l’interprétation faite par la Cour de Justice des Communautés Européennes, l’employeur est défini comme la personne pour le compte de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps, en sa faveur et sous sa direction, des prestations en contrepartie desquelles elle verse une rémunération, a considéré qu’il était territorialement compétent pour entendre les explications de la société Gruppo Concorde en sa qualité de co-employeur des salariés de BSA qui avaient exécuté habituellement leur travail à Bourg Saint Andéol en Ardèche.

La lecture de l’ensemble de la décision prud’homale fait ressortir que les sociétés Novoceram et Gruppo Concorde n’ont pas convaincu qu’elles avaient suffisamment cherché à reclasser les salariés qui avaient fait l’objet de licenciements économiques.

Elles ont donc été condamnées solidairement à verser aux 33 demandeurs des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.


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