Chronique ouvrière

Le Tribunal valide le plan "d’ajustement des effectifs" de Renault en vidant de leur substance les dispositions légales relatives au "plan de sauvegarde de l’emploi".

vendredi 19 décembre 2008 par Pascal MOUSSY, Marie Laure DUFRESNE-CASTETS
le jugement du TGI de Nanterre du 12 décembre 2008.pdf
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Le jugement qui a été rendu le 12 décembre 2008 par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre est assez singulier.

Il intrigue d’abord par sa rédaction, qui mentionne la présence à l’audience de trois magistrats et d’un greffier, alors que le public n’a compté que trois personnes assises à l’estrade.

Il suscite ensuite l’étonnement en ce qu’il souligne que « lorsque l’employeur envisage la suppression pour motifs économiques de nombreux emplois par la voie de départs volontaires, il a l’obligation, non seulement de respecter la procédure d’information/consultation des représentants du personnel prévue en matière de licenciements collectifs, mais encore d’établir et de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi », pour ensuite considérer que « lorsque des suppressions d’emploi sont prévues dans le cadre d’un plan social reposant exclusivement sur le volontariat, à l’exclusion de tout licenciement, l’employeur ne saurait être tenu d’intégrer à son plan des mesures de reclassement interne, dès lors qu’en l’absence de volontariat le salarié conserve son emploi dans l’entreprise ».

Ce raisonnement encourt le grief d’une contradiction de motifs, due à un manque manifeste de réflexion sur le sens des dispositions légales relatives au plan de sauvegarde de l’emploi.

Le plan de sauvegarde de l’emploi a pour objet, si l’on s’en tient aux termes du premier alinéa de l’article L. 1233-61 du Code du Travail, d’éviter les licenciements ou d’en limiter le nombre.

Et s’il précisé par le deuxième alinéa de ce même article que le plan de sauvegarde de l’emploi intègre un plan de reclassement, c’est pour garantir la prise en compte de l’objectif de prévention qui est présenté comme devant irriguer le droit du licenciement pour motif économique.

L’exigence d’une préoccupation à rechercher des reclassements introduite par la loi du 27 janvier 1993 a été saluée comme le souhait d’en finir avec ces « très nombreux plans sociaux sans véritable contenu en termes de reclassement professionnel, se bornant pour l’essentiel à des aides au départ de salariés âgés et à des primes au départ » (voir J.C. SCIBERRAS, « Naissance d’une loi : l’ « amendement Aubry » sur les plans sociaux », Dr. Soc. 1994, 484).

C’est bien parce que l’objet essentiel du plan de sauvegarde de l’emploi doit être d’éviter ou de limiter le nombre de départs de l’entreprise que les premières des mesures de la liste mentionnée à l’article L. 1233-62 du Code du Travail sont « des actions en vue du reclassement interne des salariés ».

Il est aujourd’hui acquis, ce qui n’est pas contesté par le présent jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre, que la présentation des suppressions d’emplois comme résultant de « départs volontaires » n’affranchit pas l’employeur du respect de la procédure applicable en cas de licenciement collectif pour motif économique.

Le souci de prévention qui doit guider cette procédure impose d’explorer toutes les voies permettant au maximum de salariés concernés d’avoir le choix entre le départ ou une mesure de reclassement permettant le maintien dans les effectifs de l’entreprise.

Le « plan de sauvegarde de l’emploi » qui se limiterait à des mesures ayant pour finalité d’aider les salariés à quitter l’entreprise n’aurait plus pour objectif d’éviter les départs ou d’en limiter le nombre. Ce qui constituerait une dénaturation manifeste de l’expression « plan de sauvegarde de l’emploi ».

Si l’on devait rentrer dans la logique du Tribunal de Grande Instance de Nanterre, qui insiste sur le fait que le salarié qui n’est pas volontaire pour partir conserve son emploi dans l’entreprise, il serait quelque peu incohérent d’exiger de l’employeur qu’il élabore un plan de « sauvegarde » constitué de mesures destinées à encourager le départ de l’entreprise, l’emploi des salariés concernés par le plan n’étant aucunement menacé…

La coordination des syndicats CGT Renault se prononcera très prochainement sur la question de savoir s’il convient d’interjeter appel.


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