Chronique ouvrière

Un salarié qui parvient à exécuter son travail n’aurait plus besoin de passer de visite médicale

mardi 8 avril 2014 par Alain HINOT
Cass. Soc. le 26 mars 2014.pdf

L’on sait que l’employeur ne peut laisser un salarié reprendre son travail après une période d’absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail ou de maladie (ce délai était de 8 jours pour les AT et 21 jours pour les maladie avant la loi du 30 janvier 2012), sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail d’un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son emploi.

A défaut, l’employeur commet un manquement grave à ses obligations, qui, à lui seul, justifie le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ou la prise d’acte de la rupture du contrat par le salarié (cass soc 06 octobre 2010 n° 09-66140 PB, 15 février 2011 n° 09-43172 PB et 22 septembre 2011 n° 10-13568).

Dans un arrêt de rejet du 26 mars 2014 n° 12-35040 PB la Cour de cassation semble revenir en partie sur sa jurisprudence à l’occasion d’une affaire où le salarié avait travaillé plusieurs mois sans avoir passé une visite médicale de reprise obligatoire avant de former une demande de résiliation judiciaire.

En l’espèce, l’arrêt relève que l’absence de visite médicale de reprise procédait d’une erreur des services administratifs et la chambre sociale de valider l’analyse de la Cour d’appel selon laquelle l’absence de visite médicale de reprise "n’avait pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant plusieurs mois".

Il semble donc que dans un tel cas, l’action en résiliation judiciaire du salarié doit être engagée dans un bref délai pour espérer être saluée de succès, mais surtout, il apparaît que le manquement de l’employeur ne sera pas considéré comme suffisamment grave s’il permet néanmoins la poursuite du contrat de travail.

Notons d’ailleurs que dans un arrêt du même jour, la Cour de cassation a également rejeté le pourvoi d’un salarié ayant pris acte de la rupture du contrat pour un motif similaire en jugeant que "la cour d’’appel qui a retenu que les manquements de l’’employeur étaient pour la plupart anciens, faisant ainsi ressortir qu’’ils n’’avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail, a légalement justifié sa décision" (cass soc 26 mars 2014 n° 12-23634 PB).

Il semble encore ici que le manque de célérité du salarié est sanctionné, mais c’est essentiellement que le temps écoulé aurait démontré que le contrat pouvait se poursuivre.

Ainsi, l’absence de visite médicale de reprise (ou d’embauche ou périodique) ne serait une cause de rupture du contrat aux torts de l’employeur qu’à la condition qu’elle ne permettrait pas au salarié de poursuivre l’exécution du contrat, lequel aurait donc intérêt à prendre acte de la rupture ou à saisir le Conseil de prud’hommes en résiliation judiciaire très rapidement.

En quelque sorte, nos hauts magistrats permettent à l’employeur de se faire juge lui-même de l’aptitude du salarié qui, comme chacun sait, est toujours "libre" de ses choix, raison pour laquelle il serait fautif de trop attendre pour obtenir justice. Le temps passant serait alors gage de l’aptitude de l’employé courageux.

L’on conseillera donc au salarié de solliciter de l’employeur l’organisation d’une visite médicale de reprise chaque fois que cela est nécessaire et de ne pas reprendre le travail tant qu’il n’a pas passé ladite visite, à charge, pour l’employeur, de l’indemniser des salaires perdus jusqu’au jour de la prise d’acte ou de la résiliation judiciaire.

Mais cette position nouvelle de la Cour de cassation pourrait cependant vaciller dès qu’un salarié sera victime d’un accident du travail en raison d’une inaptitude qui aurait pu être décelée à l’occasion d’une visite médicale obligatoire omise par l’employeur.


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