Chronique ouvrière

La contrepartie financière d’une clause de non concurrence peut-elle être versée pendant l’exécution du contrat ?

mardi 21 janvier 2014 par Alain HINOT
Cass Soc Le 15 Janvier 2014.pdf

Sous le visa des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, la Cour de cassation a rendu le 15 janvier 2014 un arrêt de cassation partielle fort intéressant (n° 12-19472 PB) à propos de la nature juridique d’une somme versée chaque mois par un employeur à un salarié depuis l’embauche, à titre de contrepartie financière à une clause de non-concurrence contractuelle de 6 mois après rupture du contrat..

Le problème venait que lors du licenciement du salarié l’employeur avait renoncé à se prévaloir de la clause de non concurrence et entendait obtenir retour des sommes versées antérieurement (environ 20 000 €).

Pour condamner le salarié à rembourser l’employeur , la Cour d’appel de Paris avait retenu qu’aucune cause de nullité n’affectait la clause litigieuse, que l’employeur ayant renoncé à son application et que le salarié n’a donc jamais été soumis à une obligation de non-concurrence.

La chambre sociale juge d’abord "que le montant de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence qui a pour objet d’indemniser le salarié tenu, après rupture du contrat de travail, d’une obligation limitant ses possibilités d’exercer un autre emploi, ne peut dépendre uniquement de la durée d’exécution du contrat ni son paiement intervenir avant la rupture et d’autre part, que le paiement pendant la période d’exécution du contrat de travail de la contrepartie financière prévue par une clause de non-concurrence nulle, qui s’analyse en un complément de salaire, n’est pas dénué de cause".

Et la haute Cour de décider qu’une telle la clause de non-concurrence prévoyant le versement d’une indemnité avant la rupture du contrat de travail est nulle par principe et que l’employeur ne peut obtenir la restitution des sommes versées au titre d’une clause nulle, lesquelles constituaient un complément de salaire.

On ne peut qu’approuver la solution finale de cette arrêt qui rétablit le salarié dans ses droits, mais on peut s’interroger sur la pertinence du raisonnement complexe et paradoxal utilisé.

En effet, une clause de non concurrence, ne s’applique par uniquement après la rupture, comme l’affirme cet arrêt, mais aussi pendant l’exécution du contrat, car le salarié qui envisage de démissionner est nécessairement tenu de ne pas rechercher un emploi chez les concurrents tant qu’il ignore si l’employeur renoncera ou non à la clause.

Ainsi, une clause de non concurrence affecte aussi le droit de rechercher un meilleur employeur et le droit unilatéral de démission du salarié, tant qu’elle n’est pas levée ou annulée par un juge, de sorte que l’employeur devrait être tenu, à peine de nullité de la clause, de verser une contrepartie financière pendant et après l’exécution du contrat.

N’était-ce d’ailleurs pas la véritable cause des versements mensuels de l’employeur que d’indemniser le respect de la clause pendant l’exécution du contrat ?


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