Chronique ouvrière

Avantages conventionnels : La prescription ne court pas si les bulletins de salaire visent une convention collective inapplicable

samedi 5 octobre 2013 par Alain HINOT
Cass Soc Le 25 Septembre 2013.pdf

Lorsque des bulletins de paie mentionnent une convention collective autre que celle applicable dans l’entreprise, le délai de prescription applicable à une demande de rappel de prime conventionnelle court à compter du jour où le salarié est effectivement informé de ses droits.

Une société qui appliquait depuis les années 1950 la convention collective de la boucherie du Haut Rhin, décidait, le 01 janvier 2000, d’en changer pour la convention collective de la charcuterie de détail (moins favorable pour les salariés).

Des organisations syndicales saisissaient alors la justice et par un arrêt du 08 novembre 2007 la cour d’appel de Colmar jugeait que l’employeur ne pouvait opérer une telle substitution de statut collectif. Néanmoins, l’affaire n’était irrévocablement tranchée qu’à l’issue d’un arrêt de rejet rendu par la Cour de cassation en mai 2009.

C’est dans ces conditions que 70 salariés saisissaient le Conseil de prud’homme pour obtenir des rappels de primes conventionnelles sur 09 ans soit à compter de janvier 2000.

Trop tard selon l’employeur qui estimait que le délai de prescription de 5 ans en matière de salaire avait expiré depuis janvier 2005 [ce délai est désormais de 3 ans depuis la loi dite de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 - voir art. L 3245-1 CT].

Par cet arrêt de rejet du 25 septembre 2013 (n° 11-27693 et 11-27694 PB), la Cour de cassation valide la décision de la cour d’appel de Colmar du 29 septembre 2011, laquelle avait jugé que le délai de prescription ne commençait à courir qu’à compter de l’arrêt de la Cour de cassation du 05 mai 2009.

"Mais attendu qu’ayant constaté que les bulletins de paie délivrés aux salariés mentionnaient une convention collective autre que celle applicable dans l’entreprise et que les salariés n’avaient pas été en mesure de connaître le statut collectif dont relevait l’entreprise qu’à l’issue de la procédure engagée par un syndicat devant le tribunal de grande instance et au vu des résultats de la mesure d’expertise ordonnée par cette juridiction la cour d’appel a pu en déduire que le délai de prescription n’avait pas commencé à courir antérieurement".

Rappelons en effet que selon l’art. 2224 du Code civil la prescription de l’action personnelle court "à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer" (la même formule est reprise désormais par le nouvel art. L 3245 CT qui traite spécifiquement de la prescription salariale) .

A notre sens, la solution est transposable à toutes les hypothèses où l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation d’information sur ses droits comme par exemple en matière de repos compensateur de remplacement, de contrepartie obligatoire en repos (ex repos compensateur), d’heure de délégation, de congés payés, de DIF, etc.....

Ainsi et avec un peu d’imagination créative, la prescription de 03 ans sur les salaires pourrait être souvent habilement contournée.


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