Chronique ouvrière

La Cour de cassation homologue les dérives en matière de rupture conventionnelle :

lundi 22 juillet 2013 par Alain HINOT
Cass soc le 3 juill 2013.pdf

Les règles applicables à la rupture conventionnelle prévoient que l’employeur et le salarié, qui envisagent de recourir à un tel type de rupture, se rencontrent au cours d’un ou de plusieurs entretiens avant de signer la convention.

Sur la question du délai entre le premier entretien et la conclusion de l’acte, des juges du fond (CPH et cours d’appel), ont déjà estimé que si la convention est signée au cours d’un unique entretien, il y a lieu de considérer qu’aucun entretien n’a réellement eu lieu et que la convention est nulle.

Cette jurisprudence est particulièrement opportune car elle permet de protéger a minima les droits à l’information et à la défense du salarié.

La Cour de cassation ne semble pas de cette avis puisque dans cet arrêt de rejet du 03 juillet 2013 (n° 12-19268 PB), elle a jugé que : "l’article L. 1237-12 du code du travail n’instaure pas de délai entre, d’une part, l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat et, d’autre part, la signature de la convention de rupture prévue à l’article L. 1237-11 du code du travail".
En l’espèce la convention de rupture avait été signée le même jour que l’unique entretien, mais il n’était pas invoqué par la salarié qu’elle l’avait été au cours de l’entretien lui-même.

L’occasion leur en étant à nouveau donnée, les juges du quai de l’Horloge réaffirment aussi que : "l’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail".

Mais ils indiquent quand même qu’en l’espèce : "aucune pression ou contrainte n’avait été exercée sur la salariée pour l’inciter à choisir la voie de la rupture conventionnelle". On respire, même si le salarié plaidait le contraire et que le contrôle de ce point est laissé "au pouvoir souverain d’appréciation du juge du fond".
Une telle vision béotienne des rapports de force individuels dans l’entreprise laisse littéralement pantois.

Rappelons qu’un salarié ne peut pas convoquer son employeur à un entretien et encore moins lui tenir la main pour obtenir qu’il signe un document préparé d’avance, mais que le contraire est une telle réalité qu’elle devrait conduire la cour régulatrice à contrôler sévèrement les conditions de formation de la convention de rupture conventionnelle et non à libérer les abus comme dans cette décision du 03 juillet 2013.

Rappelons aussi que chaque mois 25 à 30 000 ruptures conventionnelles de salariés non protégés et protégés sont homologuées et que les 2/3 de ces salariés viennent grossir les rangs des chômeurs indemnisés.

Moralité : La suppression législative de ce mode de rupture, qui n’a d’autres buts ou effets que de contourner les règles du licenciement (notamment économique), est une nécessité impérative qui pourrait d’ailleurs permettre à notre gouvernement de respecter son engagement "d’inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année".

En ont-il vraiment la volonté ?


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