Chronique ouvrière

Du " délit d’initié " du secret médical

dimanche 23 janvier 2011 par Alain HINOT
CA Versailles 14 décembre 2010.pdf

La prohibition du licenciement à raison de l’état de santé est aujourd’hui bien connue, mais de tels licenciements sont très difficiles à débusquer car, il est rare qu’un employeur ne parvienne pas à dissimuler son forfait.

Dans ce domaine les principes existent en théorie, tout comme "l’inversion de la charge de la preuve", mais dans la pratique, les juges sont peu enclins à les utiliser.

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Deux médecins employeurs avaient le 13 juin 2005 diagnostiqué une tumeur mammaire probablement cancéreuse sur l’une de leur employée ( le matin vers 10h00 ).

Le soir même ( vers 19h00 ), les médecins lui remettaient en mains propres une lettre de convocation à un entretien préalable manuscrite et visiblement rédigée dans la précipitation.

Un cancer était effectivement confirmé et la salariée ( Mme HEILEMAN ) était ensuite licenciée pour motif " économique" quelques jours plus tard par une autre lettre manuscrite à la limite du "brouillon" ( lettre au demeurant insuffisamment motivée car ne faisant qu’allusion à un motif éco, sans indiquer le fait générateur prétendu et les conséquences sur l’emploi ).

Deux ans et demi plus tard Mme HEILEMAN, au sortir d’une courageuse lutte contre la maladie et considéré en rémission, décidait de saisir le CPH de POISSY en nullité de son licenciement.

Le 09 septembre 2008, le CPH de POISSY rendait une décision qui aurait pu décourager Mme HEILEMAN et déconsidérer définitivement la prud’homie ( le CPH condamnait seulement les médecins à payer une somme de 7 500 € à titre de DIRA ), si le 14 décembre 2010 la cour d’appel de VERSAILLES, statuant au "fond", n’avait pas rendu belle et bonne justice.

Outre une requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein ( 19 500 € de rappel de salaire ), les médecins sont condamnés à réintégrer Mme HEILEMAN et à lui payer environ 47 000 € ( dont 10 000 € de DI pour préjudice moral et 35 000 € de provision sur salaire ).

La cour a considéré que les médecins n’avaient pas pu procédé à la rupture du contrat de travail pour un motif économique ( lequel n’était pas étayé ), mais que le licenciement était en réalité : "en corrélation directe entre la révélation de l’état de santé".

Un délit d’initié du secret médical en quelque sorte.

***

L’affaire HEILEMAN sera peut être l’amorce d’une prise de conscience permettant le développement d’un nouveau contentieux.

Pensons notamment aux licenciements des salariés absents pour maladie ou accident non professionnels que la jurisprudence de la cour de cassation approuve, lorsque l’employeur prétend que les absences longues ou répétées désorganisent l’entreprise.

N’est-ce pas là une discrimination indirecte tout autant prohibée que la discrimination directe ?

Il est nécessaire de se battre avec acharnement dans ce domaine, nous le devons à ceux qui sont faibles, à ceux qui perdent leur santé pour pouvoir survivre et à ceux qui ne pourront jamais travailler jusqu’à la retraite.


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