Chronique ouvrière

L’ubérisation du contrat de travail

jeudi 28 septembre 2017 par Marie-Laurence NEBULONI

Nul à la CGT et même au-delà n’ignore les dérives de l’application UBER :
précarisation due à une dépendance complète des chauffeurs à la plate-forme, laquelle déconnecte au moindre prétexte, et vient de réviser à la baisse leur rémunération [1] ;

absence de protection sociale ;

paupérisation en raison du coût de l’investissement comparé au taux des commissions prélevées….

Le “ il vaut mieux travailler 60 heures que rester au RSA ” d’un ancien ministre de l’économie a montré ses limites [2].

Une forme d’exploitation encore plus perverse se répand, notamment en Seine-Saint-Denis.

Les chauffeurs accueillis dans les permanences syndicales CGT présentent la particularité de bénéficier du statut de salarié, réputé protecteur, tout du moins avant ordonnances.

Mais ces travailleurs sont tombés entre les griffes de patrons à l’imagination débridée. La relation est triangulaire : le salarié est embauché par une société x, mais travaille avec l’application UBER. Celle-ci verse une rémunération hebdomadaire en fonction des courses effectuées par le salarié, directement à la société x. Là, débute l’illégalité : l’employeur déduit le coût de la location (environ 700 € par semaine) de la voiture qu’il fournit à son employé. De plus, ce dernier paye l’essence, les réparations et les éventuelles amendes.

Le contrat de travail est souvent verbal. Il n’y a pas toujours délivrance de bulletins de paie ni déclaration aux organismes sociaux.

Les chauffeurs travaillent 7 jours sur 7 environ 12 heures par jour. Au bout de peu de mois, ruinés et épuisés, ils cessent leur activité et franchissent la porte des unions locales. L’un deux a même été contraint de rédiger 2 chèques de caution de 750 € chacun [3].

La solution apportée est, pour l’instant, individuelle : lettres recommandées aux employeurs voyous, copies à l’Inspection du Travail et dénonciations aux URSSAF.

Si le salarié dispose de suffisamment d’éléments de preuves : virements bancaires, SMS, factures … une action prud’homale a de bonnes chances de succès, en l’état actuel du droit.

Cependant, à moins que le gouvernement ne se souvienne un jour que la loi est supposée protéger les plus faibles et non sécuriser la délinquance des plus forts, seule une démarche collective syndicale permettrait d’enrayer le phénomène.

Or, sous le flot de réformes compliquées autant que nocives, les travailleurs, abreuvés de plus d’insultes culpabilisantes et attentatoires à leur dignité (sans dents, fainéants, cyniques, extrêmes…) [4] tentent, avant tout, de survivre. Ils sont, pour l’instant, les perdants de la guerre des classes. Mais la révolte finira par venir.

Aux armes, camarades !


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