Comment utiliser le droit civil et celui "des affaires" contre les licenciements
Les défenseurs des salariés, qu’ils soient avocats, mandataires ou représentants syndicaux, ne se préoccupent pas suffisamment d’exploiter le droit « des affaires » et le droit civil.
De nombreuses batailles syndicales et de multiples procès ont été perdus par manque « d’intérêt » pour ces matières. Notamment, beaucoup d’affaires prud’homales en contestation d’un licenciement, pourraient être remportées en contrôlant les « délégations de pouvoir » des représentants des employeurs. [1])
Si certains ont déjà investi ces domaines avec quelques succès dont le dernier en date concerne la « société par actions simplifiée (SAS) » [2], beaucoup d’autres ignorent encore que le droit civil et le droit « des affaires » ouvrent d’intéressantes perspectives inexplorées par les « travaillistes ».
Récemment nous étions consultés par des syndicalistes « RENAULT » sur des licenciements pour inaptitude et sur le fonctionnement de leur « CE » et nous leur faisions rapidement remarquer que si les salariés « RENAULT » étaient bien embauchés et payés par la « SAS RENAULT », ils avaient tous été licenciés par une « SNC RENAULT », de sorte que les licenciements étaient irréguliers, voir nuls, car n’ayant pas été prononcés par leur véritable employeur (au sens juridique du terme). Quant à leur CE, les syndicalistes ignoraient s’il avait été constitué comme un comité d’établissement de la SAS ou comme un CE autonome de la SNC. Imaginons, par exemple, les splendides possibilités d’action juridique si un PSE était présenté par la SAS au CE de la SNC ou l’inverse.
On voit donc que certaines questions de droit sont insuffisamment appréhendées par les « acteurs sociaux ».
En matière de licenciement, il convient, d’abord, de rechercher si l’auteur de la lettre de licenciement avait bien le pouvoir de rompre le contrat de travail, en examinant attentivement les statuts de l’employeur « personne morale » (I), on vérifie ensuite l’opposabilité au salarié de l’éventuelle délégation de pouvoir (II) et enfin il faut rechercher si la délégation de pouvoir est réelle et pertinente (III).
I : STATUTS DES PERSONNES MORALES ET LICENCIEMENTS :
Les diverses personnes morales (sociétés, associations, syndicats, mutuelles, etc.) ont l’obligation légale d’élaborer des statuts ( encore appelés « contrat de société » ou « contrat d’association » ) et de les déposer avec les noms de leurs dirigeants ( selon leurs formes : au tribunal de commerce, à la préfectures, à la mairie, etc.). Cette formalité a pour but d’informer les tiers et de conférer la personnalité juridique.
D’autres personnes morales, qui n’ont pas d’obligations légales comparables, peuvent difficilement fonctionner sans élaborer et adopter un règlement intérieur. Ceci est d’ailleurs obligatoire pour les CE en respect de L 2325-2 du code du travail.
Les statuts et/ou le règlement intérieur (à propos du règlement intérieur des entreprises [3]), constituent des règles que s’imposent les membres de la structure morale entre eux et envers les tiers (dont les salariés [4]). Les salariés peuvent, soit invoquer l’effet relatif des conventions pour en rejeter les effets, soit en tirer avantage en les opposant à leur employeur.
Dans un arrêt du 08 juillet 2010 (n° 08-45592 – ci-joint), la chambre sociale de la cour de cassation a jugé qu’un licenciement prononcé en irrespect des statuts d’une association était dépourvu de cause réelle et sérieuse :
« Mais attendu que la cour d’appel a constaté que la lettre de licenciement était signée non du président de l’AREPA, mais de son directeur et que si ce dernier avait reçu délégation pour engager et licencier, il n’était pas démontré que le président avait été autorisé par le conseil d’administration, à déléguer ces pouvoirs conformément aux statuts de l’association ; qu’elle en a exactement déduit que le manquement à cette règle, insusceptible de régularisation postérieure, rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n’est pas fondé. »
Ce n’est pas la première fois que la chambre sociale se penche sur les statuts des associations en veillant scrupuleusement à en faire respecter les stipulations en matière de licenciement.
Dans un arrêt du 18 mai 2010 (n° 08-43367 – ci-joint), elle a déclaré « non admis » le pourvoi d’un employeur contre un arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES du 20 mai 2008 (ci-joint ), qui avait jugé que les statuts d’une association ne donnaient aucun pouvoir au Président pour licencier. Notons que dans cette affaire, la cour d’appel a estimé que le licenciement était nul.
Autres exemples :
Si le règlement intérieur d’une association impose que les directeurs soient embauchés et licenciés par le conseil d’administration, le président du conseil n’est pas habilité à signer une lettre de licenciement :
« Mais attendu qu’aux termes de l’article 2 du règlement intérieur de l’association pour l’Adaptation et d’insertion sociale, les directeurs sont embauchés et licenciés par le conseil d’administration ; Que la cour d’appel a exactement décidé qu’en vertu de ce texte, le directeur ne pouvait être licencié que par le conseil d’administration et que le manquement à cette règle, insusceptible de régularisation postérieure, rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse » ( arrêt du 4 avril 2006, n° 04-47.677 ).
La directrice générale d’une association ne peut pas être licenciée par le président si les statuts prévoient que le conseil d’administration est seul habilité à se prononcer sur les licenciements du personnel cadre :
« Mais attendu qu’aux termes de l’article 17 des statuts de l’association, le conseil d’administration se prononce sur les licenciements du personnel cadre ; qu’en vertu de ce texte, la directrice générale ne pouvait être licenciée que par le conseil d’administration et le manquement à cette règle, insusceptible de régularisation postérieure, rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse » (arrêt du 31 octobre 2007, n° 06-44.003).
Les comités d’entreprise devant établir, en application de la loi, un règlement intérieur qui détermine les modalités de son fonctionnement, il en résulte qu’en l’absence d’une disposition d’un règlement intérieur le prévoyant, seule une délégation spéciale donnée par le comité d’entreprise peut habiliter une personne pour l’exercice du pouvoir disciplinaire :
« Attendu cependant que, selon l’article L. 431-6 du code du travail, le comité d’entreprise doit établir un règlement intérieur qui détermine les modalités de son fonctionnement ; qu’il en résulte qu’en l’absence d’une disposition d’un règlement intérieur le prévoyant, seule une délégation spéciale donnée par le comité d’entreprise peut habiliter une personne pour l’exercice du pouvoir disciplinaire » ( cass soc 12 juillet 2006 n° 04-47737 ) .
D’autres personnes morales (mutuelles, instituts, EPIC, etc.), sont organisées par la loi elle-même ou par des textes réglementaires.
« Les directeurs salariés de mutuelle nommés par application de l’article L. 114-19 du code de la mutualité, qui n’ont pas la qualité d’administrateur, ne sont investis d’aucun mandat distinct de celui qu’ils tiennent de leur contrat de travail, auquel il ne peut être mis fin que par décision du conseil d’administration, ce qui constitue une garantie de fond » ( cass soc 12 juillet 2010 n° 08-45633 FS-P+B ).
« Attendu qu’aux termes de l’article 6 de l’arrêté ministériel du 15 janvier 1947, pris en application de l’article 7 de l’ordonnance n° 45-2221 du 1er octobre 1945 relative à la gestion financière des centres de lutte contre le cancer, le trésorier est nommé par le conseil d’administration ; que la cour d’appel a exactement décidé qu’en vertu de ce texte, le trésorier ne pouvait être démis que par le conseil d’administration et que le manquement à cette règle rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse » ( cass soc 04 mars 2003 n° 00-45193 ).
Ainsi, si le règlement intérieur ou les statuts limitent ou attribuent spécifiquement le pouvoir de licencier et a fortiori si la règle émane d’une CCN ou de la loi (garantie de fond), aucune délégation ne sera admise si cela n’est pas autorisé par le texte. Tout écart, sera sanctionné par la nullité ou l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
Beaucoup de « juristes » considèrent que de tels raisonnements ne peuvent concerner que les associations, les syndicats, les CE, etc., mais pas les sociétés commerciales.
Cette opinion est fondée sur le fait que si la loi vise expressément les personnes physiques pouvant représenter une société auprès des tiers (il s’agit des « mandataires » dits « sociaux »), elle n’organise généralement pas la représentation des autres types de personnes morales (comme pour les associations, les syndicats, les CE par exemple), de sorte que ces organismes doivent impérativement prévoir leur mode de représentation et s’y tenir contrairement aux sociétés.
La doctrine de certains « juristes d’affaire » considère aussi que les sociétés n’ont pas l’obligation de prévoir expressément les délégations de pouvoirs dans leurs statuts. Ceci leur a permis d’obtenir de la cour de cassation qu’elle juge valable les délégations « verbales » en relais de la « théorie de l’apparence ». Or, c’est oublier que la « théorie de l’apparence » ne profite pas au délégant, mais seulement au délégataire ou au tiers, lorsqu’ils veulent l’opposer au délégant.
Ces mêmes thuriféraires de la pensée libérale forts d’un « savoir « trop vite absorbé et empreints d’un classicisme pétrifiant, luttent avec acharnement contre la jurisprudence qui se développe aujourd’hui à propos des SAS. Ils la considèrent comme « subversive », « virale » et « iconoclaste » (voir notamment « Nullité en droit du travail et délégation de pouvoirs dans la SAS », Patrick MORVAN JCP/La semaine Juridique – ES – n° 24, 15 juin 2010). Ils prétendent toujours que la SAS doit pouvoir bénéficier de la possibilité de déléguer les pouvoirs de ses représentants, même verbalement.
Mais alors :
Pourquoi le législateur a-t-il offert aux SAS, en 2003 la possibilité de prévoir deux directeurs statutaires en sus du Président [5], qui était seul auparavant ?
N’était-il pas plus simple de modifier le texte en indiquant simplement que le Président peut déléguer ses pouvoirs à tous tiers ?
Incapables de répondre sans entrer en contradiction avec la plus pure logique juridique, ils nous l’idée surannée d’un droit du travail « autonome » qui devrait se « marier harmonieusement » avec le droit des sociétés sans empiéter sur son « terrain ».
Ne leur en déplaise, un arrêt cass. soc. du 13 sept. 2005 n° 02-47619 concernant la banque « Crédit Mutuelle » a jugé que si l’accord collectif attribue le pouvoir de licencier au seul conseil d’administration, toute délégation est exclue (garantie de fond rendant le licenciement nul).
« Mais attendu que l’absence de qualité à agir du signataire d’une lettre de licenciement constitue une irrégularité de fond qui rend nul le licenciement ; que, lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l’article L. 122-14-4 du Code du travail sans qu’il y ait lieu de statuer sur les motifs de la rupture ; que, par ce motif substitué à ceux de la cour d’appel, la décision déférée se trouve légalement justifiée ».
A notre sens, les sociétés commerciales sont tout autant soumises au respect de leurs propres statuts ou de la CCN.
Ainsi, si les statuts ne prévoient pas la possibilité de mettre en place des « délégations de pouvoir » ou si celles-ci sont limitées ou encadrées (par exemple les statuts de la SA " La poste " qui ne prévoient pas la possibilité de subdélégations), rien d’autre n’est possible.
Il convient donc de vérifier systématiquement les statuts, la CCN et les lois particulières de toutes les personnes morales, pour vérifier qu’un licenciement a bien été prononcé dans leur strict respect.
Mais comment contrôler les délégations de pouvoirs et leur donner date certaine, alors que la cour de cassation a toujours considéré que les délégations de pouvoirs, notamment dans les sociétés, pouvaient être verbales (notamment : cass soc 18 novembre 2003 n° 01-43608 ) ?
II : LES DELEGATIONS DE POUVOIRS DE LICENCIER DOIVENT ÊTRE ECRITES ET PUBLIEES :
Pour déterminer qui, dans l’entreprise, peut procéder au licenciement d’un salarié, on résumera les textes et la jurisprudence en posant que : « le licenciement est mis en œuvre et prononcé par l’employeur lui-même ou son représentant ».
Le licenciement est un acte grave, puisqu’il rompt un contrat de travail. Seul celui qui a conclu le contrat l’employeur), peut s’en défaire. La rupture d’un contrat de travail n’est donc pas un acte banal ni un simple acte de « gestion », c’est un acte que les juristes qualifie de « disposition » (à l’opposé des actes dits « d’administration »), en ce sens qu’il touche à l’actif, au « patrimoine », de l’entreprise.
Il n’est pas dans nos intentions de soutenir que tout contrat, tout achat, tout acte, effectué pour le compte d’une entreprise doit être préalablement prévue par une délégation « valable ». Chaque salarié détient de son contrat de travail et de sa fonction, la possibilité et même l’obligation d’agir au nom et pour le compte de son employeur, pour ce qui est de la gestion courante ou même au-delà en matière de sécurité. Mais un licenciement ne rentre pas dans ces catégories, celui qui le prononce doit être l’employeur ou un représentant incontestable ayant capacité à agir.
La représentation est, évidemment, obligatoire pour les personnes morales. Il s’agit des représentants légaux et/ou statutaires que l’on appelle des « mandataires sociaux », lesquels peuvent avoir eux-mêmes des « sous-représentants », lorsque les statuts le prévoient.
On nomme souvent les « sous-représentant » (qui sont généralement des tiers au contrat de société ou d’association), des « délégataires » ou des « mandataires simples ». Les employeurs personnes physiques peuvent aussi recourir à ce type de représentant.
Mais il faut que les tiers puissent être informés du système de représentation et de l’identité des représentants et délégataires.
Concernant les personnes morales autres que les sociétés, la loi les oblige seulement à déposer les noms de leurs dirigeants (sauf exception comme pour les CE), mais si les statuts ou le règlement intérieur instaurent un système de délégation de pouvoir, rien ne semble les contraindre à publier les délégations elle-même. Il en est de même pour les personnes physiques.
Par ailleurs, on a vu que la cour de cassation valide les « délégations de pouvoir » verbales. La haute cour n’a jamais véritablement explicité cette position en se contentant d’indiquer « qu’aucun texte n’oblige à un écrit ». Il est vrai que selon l’art. 1985 du code civil, le mandat « peut être donné verbalement » (c’est d’ailleurs quelques fois le cas du contrat de travail qui est un contrat de mandat), mais le même texte exige que la preuve testimoniale en soit alors rapportée selon les prévisions des art. 1341 et suivants du code civil.
Ainsi, lorsqu’un salarié dénie toute valeur à une délégation de pouvoir verbale qui lui fait grief, la mandant (l’employeur ) et le mandataire ( le DRH par exemple ), sont tenus à faire la démonstration d’un « commencement de preuve par écrit », lequel ne pourrait alors émaner que du salarié ( art. 1347 CC ), ce qui semble difficile à rapporter.
Cependant, il résulte de l’art. 1988 du code civil que le « mandat général » n’embrasse que les actes d’administration. Pour les actes de « disposition », le mandat doit être, selon le texte, exprès, ce qui suppose qu’il soit écrit (le mandat général ne peut concerner que les mandataires sociaux comme dans la SA le Président Directeur Général ou PDG).
Rappelons aussi qu’en application de l’art. 1328 du code civil les actes sous seing privé ne sont opposables aux tiers qu’à partir de leur publication, ce qui oblige aussi à un écrit.
Même si la loi ne le prévoit pas expressément, le mandataire doit aussi pouvoir justifier de son mandat auprès des tiers, on voit alors mal comment un mandataire peut prouver la réalité de son mandat, s’il n’est pas écrit (c’est le cas des mandataires syndicaux devant les conseils de prud’hommes).
La question de la régularisation postérieure :
La cour de cassation juge constamment que si l’irrégularité de la délégation de pouvoir peut être réparée, la régularisation n’a pas d’effet rétroactif sur les actes déjà intervenus.
Mais, certains auteurs (voir article « La semaine Juridique » précité), estiment que l’acte litigieux (la lettre de licenciement) peut être ratifié a posteriori par la mandant. Ils s’appuient sur un arrêt cass soc du 10 novembre 2009 ( n° 08-41076 ), qui a jugé que lettre de licenciement signée « PO » par une personne « non identifiée » était validée si la procédure de licenciement allait à son terme.
Cependant, la question de droit de cette espèce ne portait pas sur l’existence d’une délégation de pouvoir valable, mais sur les modalités de son exercice et l’on sait que la cour de cassation ne répond qu’aux questions qu’on lui pose.
Dans l’arrêt du 08 juillet 2010 ( n° 08-45592 ), la chambre sociale de la cour de cassation est très clair :
« Mais attendu que la cour d’appel a constaté que la lettre de licenciement était signée non du président de l’AREPA, mais de son directeur et que si ce dernier avait reçu délégation pour engager et licencier, il n’était pas démontré que le président avait été autorisé par le conseil d’administration, à déléguer ces pouvoirs conformément aux statuts de l’association ; qu’elle en a exactement déduit que le manquement à cette règle, insusceptible de régularisation postérieure, rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n’est pas fondé. ».
Ceci n’est d’ailleurs pas nouveau : Pour exemple en matière de représentation en justice, si le défaut de pouvoir spécial (dans les procédures sans représentation obligatoire ), constitue bien une irrégularité de fond affectant la validité de tous les actes, le défaut est susceptible d’être régularisé jusqu’à ce que le juge statue ( cass. 2ème civ. 21 avril 2005 – pouvoir n° 02-20183 ).
Notons enfin que selon l’art. 482 du code civil les subdélégations doivent être « spéciales », ce qui suppose qu’elles soient, elles aussi, écrites.
Pour les sociétés (civiles ou commerciales), qui sont, rappelons-le, représentées auprès des tiers par les personnes désignées par leurs statuts (dans le respect de la loi selon les différents types de sociétés), les "mandataires sociaux" sont présumés connus des tiers lorsqu’ils apparaissent à l’extrait « K-bis ».
L’extrait K-bis énonce les caractéristiques de l’entreprise : Greffe d’immatriculation, numéro d’identification (numéro SIREN), raison sociale, sigle, enseigne, forme juridique (SARL, SA, GIE, SCI...), devise et montant du capital social, adresse du siège, durée de la société, date de constitution, code NAF, activité détaillée, adresse du principal établissement. Il énonce également les caractéristiques relatives à l’administration de l’entreprise : fonctions, noms, prénoms, dates de naissance, communes de naissance, nationalité et adresse des dirigeants.
Mais ce n’est pas tout. Outre les noms des représentants légaux et statutaires d’une société, les tiers délégataires disposant d’une délégation large incluant notamment le pouvoir de prononcer des licenciements (s’agissant d’actes de disposition par opposition aux actes d’administration), doivent, à notre sens, être publiés au K-bis en application de l’art. R 123-54 du code du commerce qui prévoit en son « paragraphe 2°a », que doivent également être inscrit au k-bis les « tiers ayant le pouvoir de diriger, gérer ou engager à titre habituel la société avec l’indication qu’ils engagent seuls ou non la société vis-à-vis des tiers ».
Par ailleurs, le code civil s’applique tout autant aux sociétés qu’aux autres personnes morales ou physiques.
Tout ceci conduit à considérer qu’une délégation ou une sub-délégation de pouvoir de licencier doit être nécessairement écrite et acceptée par le délégataire (mais l’acceptation peut être tacite : art. 1985 CC) et avoir date certaine (publication), pour toutes les personnes morales et les personnes physiques.
III : LES DELEGATIONS DE POUVOIRS DE LICENCIER DOIVENT ETRE PERTINENTES :
Le délégataire doit encore justifier de la réalité de son pouvoir de licencier (triptyque : compétence – autorité – moyens). Ceci veut dire que le dépositaire de la délégation de pouvoir ne doit pas exercer un pouvoir fictif.
Ceci est particulièrement évident lorsque le licenciement ne peut intervenir avant une recherche de reclassement.
Même doté d’une délégation de pouvoir de licencier irréprochable formellement, le directeur d’un simple établissement n’a, généralement, aucun moyen efficient de mettre en œuvre l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur qu’il représente. Or, le respect de cette obligation est l’élément clef de la cause réelle et sérieuse.
Sans les moyens et l’autorité nécessaires (voire sans la compétence), un simple exécutant ne peut donc rechercher réellement à reclasser un salarié surtout s’il s’agit d’une société composée de multiples établissements et encore moins au sein d’un groupe de société.
Un véritable « pouvoir de reclassement » comprend la faculté d’investiguer et d’imposer un reclassement au sein de n’importe quel établissement ou société du Groupe.
En effet, la « capacité à agir », doit être réelle et efficace.
Il convient donc d’enjoindre aux délégants de prouver la « capacité à agir » de leurs délégataires. A défaut, tous les actes passés en son nom sont sans effets, ce qui entraîne en matière de licenciement, la nullité ou l’absence de cause réelle et sérieuse.
Annexes (à consulter avec Adobe Acrobat Reader) :
Annexe 1 : CA Versailles, 20 mai 2008
Annexe 2 : Cass. Soc. 18 mai 2010
Annexe 3 : Cass. Soc. 8 juillet 2010
[1] La notion de « délégation de pouvoir », n’est pas une notion très juridique. On devrait plutôt parler de mandat spécial ( en effet le mandat « total » fait de son bénéficiaire un mandataire social ) ou de procuration ( art. 1984 du code civil ). On emploi l’expression « délégation de pouvoir » en droit des sociétés, quand on évoque le mandat donné à un tiers au contrat de société pour éviter une confusion avec les « mandataires sociaux » qui sont les représentants de la société.
[2] De nombreuses décisions de cours d’appel rendues depuis 2007 ( dont certaines en référé ), ont en effet innové en jugeant que dans la SAS la délégation de pouvoir est prohibée ou qu’elle doit être publiée au k-bis (voir notamment notre article « Chroniques Ouvrières » du 15 novembre 2008 et celui de Claude LEVY du 04 janvier 2010) Etant rappelé que le raisonnement de départ et les premières affaires gagnées ont été l’œuvre du Secteur Juridique de l’UL CGT de CHATOU.
[3] Certains employeurs ont l’obligation de mettre en place un règlement intérieur à l’intention de leurs salariés, lequel traite, notamment, des règles disciplinaires. Lorsque ce règlement contient des normes avantageuses pour les salariés, nul ne conteste que l’employeur y est tenu.
[4] La notion de tiers envers une société, ne doit pas être confondue avec celle de tiers à « l’entreprise » (notion fonctionnelle ou institutionnelle), car si le salarié d’une société n’est pas étranger à « l’entité économique » constituée par la société, il est par contre tiers au contrat de société, c’est-à-dire à « l’affectio societatis ».
[5] En effet, l’art. 227-6 du code du commerce a été modifié par la loi d’août 2003, laquelle faisait suite à l’arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation du 02 juillet 2002 n° 98-23324, qui avait jugé que le Président représentait seul la SAS à l’exclusion de toute délégation de pouvoir.
Alain HINOT
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