Chronique ouvrière

Le juge des référés administratif n’accepte pas le licenciement de l’auteur de l’ enregistrement indélicat

vendredi 22 décembre 2017 par Pascal MOUSSY
CE 30 novembre 2017.pdf

Par un arrêt remarqué du 16 juillet 2014 (n° 355201 ; AJDA 2014, 1460 ; RFDA 2014, 924 et s.) le Conseil d’Etat avait souligné que la liberté de la preuve de la faute invoquée à l’appui de l’action disciplinaire intentée contre un agent ne saurait faire abstraction du principe de loyauté. « Tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté ; (…) il ne saurait par suite, fonder une sanction disciplinaire à l’encontre de l’un de ses agents sur des pièces ou documents qu’il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, saut si un intérêt public majeur le justifie ». [Dans les circonstances de l’espèce, une commune avait confié à une agence de détectives privés le soin de réaliser des investigations et d’exercer des surveillances dans le but de mettre en évidence qu’un responsable de centre technique municipal se livrait, sans autorisation à une activité lucrative privée par l’intermédiaire de deux sociétés. A la suite du rapport établi par cette agence de détectives, le fonctionnaire territorial avait fait l’objet d’une révocation].

Sauf circonstances exceptionnelles tirées d’un « intérêt public majeur », le fonctionnaire se voit reconnaître le droit d’être prémuni contre la mise en œuvre par l’employeur public de procédés de preuves entachés de déloyauté.

Mais la question se pose également de savoir si l’agent public qui prend des libertés avec le principe de la loyauté en vue de réunir des éléments de preuve permettant de prendre connaissance des propos (peut-être contestables) de son supérieur hiérarchique mérite de faire l’objet d’une mesure de licenciement.

Il ressort de l’arrêt rendu 30 novembre 2017 par le Conseil d’Erat, statuant en référé, qu’au regard du principe de proportionnalité il doit être constaté l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité du licenciement de l’agent public qui n’a pas été suffisamment attentif à veiller à la loyauté de la preuve.

Intervenant en qualité de juge de cassation, dans le cadre d’une procédure de référé-suspension, le Conseil d’Etat a considéré qu’après avoir relevé le manquement par un ingénieur hospitalier du manquement à son obligation de loyauté résultant de l’enregistrement d’un entretien avec son supérieur hiérarchique à l’insu de celui-ci, le juge des référés du Tribunal administratif d’Orléans a souverainement apprécié que ce comportement fautif s’inscrivait dans un contexte de tensions exacerbées dans la survenance desquelles les responsabilités apparaissaient multiples.

Le juge des référés a constaté l’’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision d’exclusion après avoir exercé son entier contrôle sur la proportionnalité de la sanction ayant frappé l’agent public qui avait procédé à un enregistrement déloyal [Sur la consécration du contrôle entier de la de proportionnalité de la sanction disciplinaire, voir E. AUBIN, « Fonction publique : contentieux disciplinaire », Répertoire de contentieux administratif, n° 149 et s.].

Dans les circonstances de l’espèce, la suspicion d’excès de pouvoir pouvait être jetée sur le licenciement de celui qui avait succombé à la tentation de l’enregistrement clandestin dans un contexte de tensions exacerbées qui n’étaient pas de son seul fait.


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