Chronique ouvrière

A propos de l’oralité du droit de retrait

mercredi 25 juin 2008 par Pascal MOUSSY
La décision de la Cour de Cassation du 28 mai 2008.pdf
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Le règlement intérieur apparaît comme la manifestation la plus visible du pouvoir de l’employeur d’édicter des règles s’imposant aux salariés de l’entreprise (voir, à ce sujet,
J. PELISSIER, A. SUPIOT, A. JEAMMAUD, Précis de droit du travail, 23e éd., Dalloz, 993).

Ce pouvoir est néanmoins encadré. Il est notamment prévu par le Code du Travail qu’il ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (ancien art. L.122-35 ; art. L.1321-3 recod.).

Le droit de retrait du salarié d’une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé relève du « droit fondamental à l’existence » (voir J. LE GOFF, Droit du travail et société, 1. Les relations individuelles de travail, PUR, 2001, 730). Il s’agit donc d’un droit de la personne dont l’exercice ne saurait être arbitrairement restreint par le règlement intérieur.

Le Conseil d’Etat avait, à deux reprises, déjà eu l’occasion de souligner qu’au regard des dispositions de l’ancien article L.231-8 (art.L.4131-1 recod.) du Code du Travail régissant les conditions d’exercice du droit de retrait, le salarié est dans l’obligation de signaler immédiatement l’existence de la situation qu’il estime dangereuse mais il n’est pas tenu de le faire par écrit. L’exigence de l’écrit est ici considérée comme une sujétion, dans l’exercice du droit de retrait, qui n’est pas justifiée par les nécessités de la sécurité dans l’entreprise. L’administration du travail (l’inspecteur du travail et, ensuite, sur recours hiérarchique, le directeur régional du travail) est dès lors fondée à intervenir, en exigeant le retrait ou la modification de la disposition du règlement intérieur imposant la rédaction d’un écrit (CE, 4 décembre 1987, req. 74679 ; CE, 11 mai 1990, req. 90213).

En l’absence d’intervention ou de saisine de l’inspecteur du travail, il est possible de s’adresser au tribunal de grande instance pour demander que soit prononcée la nullité de la disposition du règlement intérieur imposant une consignation par écrit avant que s’effectue le retrait.

C’est ce qui a été fait, dans la présente espèce, par une organisation syndicale de salariés qui a demandé au juge judiciaire d’ordonner la suppression d’une disposition du règlement intérieur invitant le salarié qui exerce son droit de retrait à « signer une déclaration » et indiquant, qu’à défaut, la déclaration sera signée par un témoin ou par le responsable hiérarchique.

Par son arrêt du 28 mai 2008, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a approuvé les juges du fond d’avoir ordonné la suppression de la disposition litigieuse en affirmant que cette obligation de rédaction d’un écrit était de nature à restreindre l’usage du droit de retrait.

Le droit à l’existence du travailleur ne saurait être subordonné au formalisme voulu par le patron.


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