Travailleurs sans papiers
mais pas sans droits
I. RETOUR SUR L’ARTICLE L 341-6-1
Les moulinets des HORTEFEUX et SARKOSY n’y peuvent rien.
Même si le travailleur sans papier ne peut exécuter son préavis après avoir été licencié pour défaut de titre de travail, il peut prétendre aux indemnités visées à l’article L 341-6-1 du code du travail, notamment à celle équivalente au préavis si elle est supérieure à l’indemnité de rupture forfaitaire égale un mois de salaire fixée par le même article.
C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans un arrêt du 29 janvier 2008 N° 06-44983 (dans le même sens 12 mars 2002 n°99-44316.
Sauf dispositions conventionnelles plus favorables, sont concernés les travailleurs sans papiers ayant plus de 2 années d’ancienneté (2 mois de préavis et l’équivalent de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement) ou qui ont le statut « cadres »
(3 mois de préavis).
Concernant le préjudice supplémentaire que peut réclamer le travailleur sans papiers sur le fondement du dernier alinéa de l’article L 341-6-1, on peut regretter que le demandeur n’ait pas apparemment fait référence à l’indemnité spécifique de l’article L 324-11-1 pour travail dissimulé, équivalente à 6 mois de salaires, puisque dans cette affaire de nombreuses heures supplémentaires n’avaient pas été rémunérées et mentionnées sur les bulletins de paye, en violation de l’article L 324-10-1, très certainement de façon intentionnelle eu égard à la situation du salarié en grande difficulté pour réclamer quoi que ce soit à son employeur.
Dans un second arrêt du même jour, n° 06-41059, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence qui condamne pour licenciement sans cause réelle et sérieuse les employeurs refusant de délivrer des documents permettant aux travailleurs sans papiers de régulariser leur situation (voir précédent article sur le même site « exécution et rupture du contrat de travail des travailleurs sans papiers »).
Dans ce nouvel arrêt, la remise par l’employeur d’un contrat de travail ne correspondant pas aux conditions d’emploi est assimilée à l’absence de remise de documents.
Poursuivant cette logique il y aura lieu de mobiliser la circulaire ministérielle du 7 janvier 2008 du Ministre de l’immigration dont on extraira deux lignes fort utiles pour mettre l’employeur des travailleurs sans papiers devant ses responsabilités :
« En outre vous étudierez avec une particulière diligence les dossiers qui vous auront été signalés par les employeurs eux-mêmes »
Le droit à l’emploi étant constitutionnel et les secteurs du bâtiment, de la restauration et de certains services étant en fort déficit de main d’œuvre, ne peut on affirmer que la « possibilité » laissée à l’employeur de demander au Préfet une régularisation de ses travailleurs sans papiers est en fait une obligation constitutionnelle ?
A tout le moins, le refus d’accomplir une telle démarche caractérise une perte de chance de pouvoir conserver son emploi dont réparation peut être demandée.
Dans ce contexte, la prise de position dans le journal « Le Monde » du 25 février 2008, page 14, de Mr DAGUIN, patron de l’UMIH, puissante fédération patronale de l’industrie hôtelière, qui appelle les pouvoirs publics à la régularisation des travailleurs sans papiers dans les HCR, est savoureuse et ne manquera pas d’être utilisée dans les contentieux.
Alertés cependant par les associations et les syndicats défenseurs des sans papiers, il faudra accompagner systématiquement en préfecture le travailleur et son employeur pour éviter les « guet-apens » tendus par certains préfets qui font miroiter une régularisation pour mieux expulser le jour du rendez vous fixé (expulser l’employeur, pourquoi pas, mais pas le salarié !).
On rappellera enfin que même expulsé le travailleur sans papiers peut poursuivre son procès devant le Conseil des prud’hommes s’il a pris soin de mandater un défenseur syndical ou un avocat.
II. A PROPOS DES PRESCRIPTIONS
La 21ème chambre A de la Cour d’appel de Paris, fidèle à sa jurisprudence (CA Paris 18ème D Traore c/ Déclic net 25/2/2003 RG N°02/35887) vient de confirmer le jugement du 19 avril 2006 du Conseil de prud’hommes de Paris, N° RG 05/7709, KORERA c/ L’audacieuse, cité dans notre précédent article.
Cet arrêt du 11 mars 2008 (RG S 06/09551), dont la presse s’est fait l‘écho, fait sienne la motivation des conseillers prud’homaux qui avaient considéré, au visa de l’article L 122-44, que les faits reprochés à Mr KORERA concernant sa situation irrégulière étaient prescrits pour être connus de l’employeur depuis plus de 2 mois.
On reconnaît à travers cette affaire la tactique patronale de certains employeurs du secteur du nettoyage visant à embaucher des travailleurs sans papiers qu’ils exploitent à outrance et qu’ils n’hésitent pas à jeter dehors du jour au lendemain s’ils revendiquent quoi que ce soit à l’occasion d’un contrôle provoqué de la préfecture.
Même si le dernier alinéa de l’article L341-6 fait dorénavant obligation à l’employeur de s’assurer de l’existence de l’autorisation de travail, la règle étant actuellement à la délivrance de titres de travail précaires, on pourra retrouver une telle situation à l’occasion d’un renouvellement.
Il y aura lieu à cette occasion de mobiliser ces dernières jurisprudences.
Annexe :
L’arrêt Korera de la Cour d’Appel de Paris du 11 mars 2008
Claude LEVY
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