Chronique ouvrière

L’organisation du travail de RENAULT et sa finalité du profit maximal ont été condamnées

mercredi 17 mars 2010 par Fabien GACHE
TASS des Hauts de Seine 17 décembre 2009.pdf
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Le 17 décembre dernier, le Tribunal des Affaires sociales des Hauts de Seine a reconnu que RENAULT avait commis une faute inexcusable à l‘origine de l’accident mortel d’un ingénieur qui s’est suicidé le 20 octobre 2006.

Que Renault ait été condamné pour faute inexcusable, à défaut d’avoir pris des mesures individuelles et collectives visant à prévenir l’acte commis par le salarié, mérite d’être souligné au regard du caractère inhabituel d’une telle décision juridique.

Mais le contenu du jugement montre que si la direction de Renault avait conscience que le salarié était exposé à des conditions d’exercices professionnelles dangereuses pour son équilibre psychologique et qu’il n’avait pas pris les mesures pour l’en protéger, il démontre surtout les conséquences de l’organisation du travail en terme de surcharge de travail, d’incapacité pour les salariés de pouvoir atteindre les objectifs assignés.

Contrairement à ses obligations légales prévoyant « d’adapter le travail à l’homme », la stratégie de Renault repose à l’inverse sur la modélisation des salariés à une organisation du travail qui les empêche de bien faire leur travail et qui culpabilise ceux jugés trop faibles pour supporter la pression quotidienne liée à une hypothétique obligation de résultat.

Ainsi, la hiérarchie a reconnu que la victime subissait « une pression économique dans l’exercice de son activité… se traduisant par des contraintes budgétaires plus strictes entraînant des conséquences sur les conditions d’exécution de sa mission… ».

Pressions reconnues comme découlant du dit « contrat 2009 » de Ghosn prévoyant entre autres de « baisser de 30 % les coûts de l’ingénierie et des développements des véhicules », avec « l’obligation de concevoir, développer et industrialiser deux fois plus de véhicules qu’auparavant, en moins de temps et avec le même personnel… »

Le jugement met en exergue « des objectifs prioritairement quantitatifs… avec la nécessité d’être performant … impliquant une forte adhésion des salariés par l’engagement d’obtenir un résultat au moins équivalent à celui de l’année précédente et de chercher à le dépasser… »

Objectifs inatteignables pour le commun des mortels où le quantitatif s’oppose à l’exigence du travail de qualité, pour lequel les salariés s’investissent en développant leurs compétences et leur intelligence.
La standardisation des individus ou est prônée l’idée selon laquelle « n’importe qui peut faire n’importe quoi suivant telle ou telle prescription et qu’il peut toujours aller plus loin » est déconnectée du réel du travail. C’est la négation de la nécessaire mise en œuvre de l’intelligence humaine pour faire du bon travail. C’est autant destructeur de la santé des salariés, qu’inefficace sur le plan économique.

Pour toute réponse à ceux qui ne supportent plus cette organisation du travail, à ceux dont le réel du travail s’éloigne toujours plus de la prescription liée aux critères économiques, la direction de Renault en rajoute dans la culpabilisation des salariés qui ne seraient pas capables de tenir le coup.

Lorsque la hiérarchie de la victime constate « des signes de détérioration progressive de sa santé physique et de son équilibre psychologique… », la direction de Renault lui propose « soit d’envisager un changement poste, soit de prendre une période de vacances, soit de contacter l’assistante sociale ou le médecin du travail… »

Il n’y a ici aucune ambiguïté sur la méthode de la direction de Renault faisant délibérément le choix de culpabiliser la victime. En écartant l’examen des causes qui génèrent sa souffrance et donc toute responsabilité de l’employeur, la direction entend montrer cyniquement au salarié « qu’il est trop petit pour la tâche qui lui a été assignée » !
Méthode aux conséquences terribles pour le salarié, mais largement développées dans l’entreprise et notamment, dans le cadre des entretiens individuels annuels toujours plus déconnectés du réel de l’activité humaine des salariés.

En retenant la faute inexcusable de Renault à l‘origine de l’accident mortel d’un ingénieur du Technocentre, le TASS des Hauts de Seine condamne en fait l’organisation du travail et sa finalité du profit maximal.
Cette affaire montre qu’il n’y a pas de perspective d’amélioration de la santé des salariés en adoptant une approche strictement individuelle, basée sur des enquêtes limitées à mesurer la capacité des uns ou des autres à supporter l’organisation du travail qui leur est imposée.
Elle montre la nécessité de reconstruire des collectifs de salariés pour mettre le travail en débat, pour prendre les choses dans l’ordre : adapter l’organisation du travail à l’homme
Il y va de la santé des salariés et de l’efficacité de l’entreprise.


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