Chronique ouvrière

Circulaire de règlementation des travailleurs sans papiers : ça ne tourne toujours pas rond !

lundi 30 novembre 2009 par Karl GHAZI
La circulaire de "régularisation par le travail" et la présentation des principales mesures de l’avant-projet de loi Besson.pdf

Une circulaire suivie d’un vade-mecum : c’est la réponse donnée, le 24 novembre 2009, par le ministère de l’immigration au mouvement de grève entamé le 12 octobre 2009 et qui touche, à ce jour, plus de 5500 travailleurs sans-papiers et à une lettre envoyée le 1er octobre par 5 organisations syndicales (CGT, CFDT, FSU, Solidaires, UNSA) et 6 associations (LDH, Droits devant, Femme Egalité, Cimade, RESF, Autre Monde).

L’exigence d’une circulaire qui unifie les règles de régularisation dans les différentes préfectures, qui fasse cesser des discriminations inacceptables (entre les nationalités ou selon les professions) et qui améliore les conditions de régularisation des travailleurs a rencontré un énorme écho auprès des salariés concernés : 1200 travailleurs se sont mis en grève dès le 12 octobre et leur nombre a quasiment quintuplé depuis, touchant plus de trente départements et près de 2500 entreprises.

« L’admission exceptionnelle au séjour » de travailleurs ouverte par la loi du 20 novembre 2007, sous forme de carte de séjour temporaire est, à l’origine, un dispositif censé bénéficier aux patrons férus d’immigration « choisie ». C’est, pourtant, un premier mouvement de grève, initié par les travailleurs et la CGT en avril 2008, a permis 2500 régularisations environ.

Au bout de quelques mois, cependant, cette lutte qui concerne l’ensemble des salariés en France, victimes du dumping social pratiqué par les patrons sur le dos des travailleurs sans-papiers, s’est trouvée confrontée à l’arbitraire administratif et aux incohérences réglementaires. La plupart des dossiers restaient bloqués en préfecture au 1er octobre 2009.

La réponse donnée le 24 novembre par le ministère de l’immigration n’a pas mis fin au mouvement de grève : c’est la décision qu’ont prise les grévistes. Car, en réaffirmant le pouvoir discrétionnaire du préfet, en s’en tenant à des critères flous, la circulaire veut limiter ses effets contraignants sur l’administration.

Les critères de régularisation contenus dans la circulaire restent vagues, même s’ils sont « complétés » par une sorte de vade-mecum.

La circulaire cite comme « motifs de régularisation que l’étranger peut faire valoir », sans que cela ne limite le pouvoir d’appréciation du préfet, mais que ce dernier pourra considérer « avec bienveillance », une durée « significative » de séjour en France, une « volonté d’intégration sociale » attestée notamment par l’insertion dans un milieu professionnel, la compréhension de la langue française et des qualifications professionnelles pour l’exercice d’un métier caractérisé par des « difficultés de recrutement ».

Les travailleurs « au noir » sont exclus du bénéfice de la circulaire par la nécessité de « l’exercice antérieur d’un emploi déclaré ».

Un contrat de travail ou, désormais, une promesse d’embauche pourront être présentés à l’appui de la demande de régularisation.

La rémunération du salarié devra présenter un niveau de ressources suffisant et respecter les conventions collectives applicables.

L’exercice d’une profession réglementée (prévention-sécurité, par exemple) l’agrément ou l’autorisation nécessaire devront être fournis par le travailleur à l’appui de sa demande.

Les « difficultés de recrutement » seront appréciées en fonction de différentes listes (arrêtés du 18 janvier 2008) ou par les services de la main d’œuvre étrangère, sans pour autant lier la décision de l’administration.

L’administration devra délivrer une APS (autorisation provisoire de séjour) au salarié et une attestation de dépôt de dossier à l’employeur au début de l’instruction du dossier de régularisation.

La circulaire, qui ne répond pas à l’exigence d’une unification des procédures de régularisation ouvre, tout en restant très vague, les possibilités de régularisation : plus de durée minimale de présence en France, possibilités de régularisation nouvelles (sécurité, ménage, intérim).

Elle est, cependant, accompagnée d’un vade-mecum à la fois plus précis et souvent plus strict que la circulaire elle-même sur les conditions de régularisation : l’exigence de cumuler les motifs (ancienneté du séjour –au moins 5 ans-, exercice d’un emploi déclaré dans un « métier en tension », une ancienneté de 12 mois dans l’entreprise, un CDI ou un CDD d’au moins 12 mois, une rémunération mensuelle respectant les conventions applicables et au moins égale au SMIC (même pour les salariés à temps partiel , ce qui aboutit à leur exclusion de fait) et l’intégration du demandeur (compréhension « élémentaire » de la langue française).

Ce vade-mecum précise les conditions d’accès à la régularisation des salariés des services aux particuliers, des salariés de professions réglementées et des intérimaires :

-  Pas d’unicité d’employeur requise pour les premiers

-  Prise en compte de l’ancienneté dans l’emploi réglementé pour les seconds

-  Une présence personnelle du demandeur dans l’intérim (ou tout autre emploi salarié) sur une période de 18 mois précédant la demande de régularisation pour les derniers, attestée par des bulletins de salaire correspondant à 12 SMIC mensuels dont au moins 910 heures de travail dans l’intérim.

Le rapport de force engagé par les travailleurs sans-papiers a permis d’obtenir du ministère de l’immigration de premières avancées. Le maintien de l’arbitraire préfectoral, les conditions de durée de séjour et les discriminations persistantes envers certaines nationalités a néanmoins conduit les grévistes à la décision de poursuivre et d’amplifier le mouvement.

Plus de grévistes, plus de piquets de grève : c’est le message transmis par les travailleurs sans papiers au ministère, en réponse à sa circulaire.


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