Chronique ouvrière

Le bonheur n’était pas dans le (Petit) Pré : l’ouvrière agricole ne recevait pas à la fin du mois la totalité du salaire dû

jeudi 3 mars 2016 par Pascal MOUSSY
CPH Fort-de-France 29 septembre 2014.pdf
CA Fort-de-France 8 janvier 2016.pdf

La mensualisation du salaire a pour effet d’obliger l’employeur de payer le salaire à la fin du mois.

Si l’employeur ne verse pas le salaire dû lorsque le mois de travail s’est achevé, ce « défaut de ponctualité » dans le paiement du salaire rend légitime une réaction vigoureuse de la part du salarié. « Si la rémunération n’est pas versée au moment prescrit, le salarié est fondé à interrompre son activité, par application de l’exception non adempleti contractus. Il s’agit d’une forme de grève à régime particulier, car a priori licite et ne privant pas le salarié de son droit au salaire. Le paiement des jours de grève doit intervenir à titre d’indemnisation du préjudice » (Gérard LYON-CAEN, Le salaire, Deuxième édition, Dalloz, 1981, 374 et s.).

Si le salarié ne se sent pas de taille à mener le combat dans l’entreprise avec le patron particulièrement malhonnête, il peut prendre la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur. L’employeur qui ne règle pas la totalité des sommes dues en exécution du contrat de travail commet un manquement justifiant une rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 9 avril 2008, n° 07- 40668).

En Martinique, les dirigeants des exploitations agricoles ont eu toujours eu un peu de mal à jouer le jeu de la mensualisation. La loi du 30 décembre 1988 relative à « l’adaptation de l’exploitation agricole à son environnement économique et social » a eu quelques difficultés à entrer en application (voir, à ce sujet, « Les contrats très spéciaux de travailleurs de la banane », Dr. Ouv. 1999, 259 et s.).

L’EARL PETIT PRE n’a pas failli à la tradition.

Elle a mis en avant des « difficultés financières de l’entreprise » pour tenter de légitimer la pratique consistant payer le 7 octobre la moitié du salaire du mois de septembre dû à une ouvrière agricole.

Le bureau de jugement de la section agriculture du Conseil de prud’hommes de Fort-de-France n’a pu que prendre acte d’une rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Le jugement prud’homal a été confirmé par la Cour d’appel de de Fort-de-France qui a considéré que l’employeur avait gravement manqué à ses obligations et que la rupture lui était imputable.


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