Chronique ouvrière

A propos du droit de vote des TAM aux élections professionnelles

vendredi 5 juillet 2013 par Claude LEVY
TI Paris 15 le 25 juin 2013.pdf

Le tribunal d’instance du 15ème arrondissement vient de renvoyer le syndicat FO ACCOR et la direction du Mercure Suffren (Paris 15ème) à leurs études sur la question du droit de vote des travailleurs mis à disposition au sein d’une entreprise.

Il n’est pas discutable que le service de l’hébergement (femmes de chambre, gouvernantes, valets d’étages…) constitue le cœur de métier de l’hôtellerie.

Aucune spécificité technique ou technologique n’est apportée par les femmes de chambre, gouvernantes et équipiers de la société FRANCAISE DE SERVICES GROUPE à la société qui gère l’hôtel MERCURE SUFFREN.

D’ailleurs, dans de nombreux hôtels de cette catégorie, les femmes de chambre et les gouvernantes sont directement salariées de l’hôtel.

Il apparait donc que le seul but de cette opération de sous-traitance au MERCURE SUFFREN est de permettre de fournir une main d’œuvre bon marché, flexible, dont le statut collectif est bien inférieur à celui des salariés de la société utilisatrice, qui ont notamment un 13ème mois, des jours fériés garantis, des primes spécifiques, des primes d’intéressement et de participation dont le niveau est tiré directement du dumping social subi par les salariés de l’hébergement de la société FRANCAISE DE SERVICES GROUPE.

Il est donc parfaitement logique que les salariés de la sous-traitance puissent voter, voire être élus, aux élections de l’entreprise utilisatrice dans laquelle ils travaillent.

S’agissant du droit de vote des salariés de la sous-traitance il est consacré par les articles L2314-18-1 et L2324-17-1 du code du travail.

Les TAM exercent leur droit d’option. Soit ils votent aux élections dans leur entreprise, soit ils votent aux élections de l’entreprise utilisatrice.

Reste à déterminer comment recueillir ce choix et à quel moment.

La circulaire ministérielle DGT n°20 du 13 novembre 2008 propose un montage laborieux notoirement insuffisant dans son annexe à la fiche n°6 :

« Avant le début des négociations du protocole préélectoral, l’entreprise utilisatrice interroge par écrit les entreprises prestataires qui mettent à disposition des salariés travaillant dans ses locaux afin que ces entreprises, dans un délai compatible avec l’organisation des négociations du protocole préélectoral, lui fournissent la liste des salariés mis à disposition.

Ce document doit contenir la liste des salariés qui répondent aux critères de présence dans les locaux et d’ancienneté (plus d’un an pour l’électorat et plus de 2 ans pour l’éligibilité aux élections de délégués du personnel).
Il doit porter la mention que le salarié a fait ou non le choix de voter aux élections de
l’entreprise utilisatrice. Compte-tenu des possibles recours contentieux, il est important que ce choix soit clairement acté par le salarié et son employeur. »

La Cour de cassation dans son arrêt SNCF du 26 mai 2010 n° 09-60400 écarte cette circulaire et fixe des obligations plus consistantes à l’entreprise utilisatrice avec pour finalité d’assurer un consentement libre et éclairé des salariés concernés quant à l’exercice de leur droit d’option :

« Qu’en statuant ainsi, alors qu’il appartient à l’employeur responsable de l’organisation de l’élection de fournir aux organisations syndicales les éléments nécessaires au contrôle des effectifs et de l’électorat et que s’agissant des salariés mis à disposition il doit, sans se borner à interroger les entreprises extérieures, fournir aux organisations syndicales les éléments dont il dispose ou dont il peut demander judiciairement la production par ces entreprises, le tribunal a violé les textes susvisés ;
Attendu cependant que selon les articles L. 2314-18-1 al. 2 et L. 2324-17-1 al.2 du code du travail les salariés mis à disposition, décomptés dans les effectifs en application de l’article L.1111-2 2° du code du travail, qui remplissent les conditions de présence continue de douze mois dans l’entreprise utilisatrice pour être électeurs et de vingt-quatre mois pour être éligibles aux élections des délégués du personnel, choisissent s’ils exercent leur droit de vote dans l’entreprise qui les emploie ou dans l’entreprise utilisatrice ; que ces conditions devant être appréciées lors de l’organisation des élections dans l’entreprise utilisatrice, c’est à cette date que les salariés mis à disposition doivent être mis en mesure d’exercer leur droit d’option ; »

La société qui gère le MERCURE SUFFREN ne pouvait donc se contenter d’interroger son sous-traitant et se devait de demander judiciairement les éléments nécessaires au contrôle des effectifs et au choix de vote des salariés de son entreprise.

Une bonne pratique consiste à obtenir des attestations manuscrites des salariés concernés sur l’exercice de leur droit d’option et/ou à organiser des entretiens de ces salariés en présence d’un représentant de la direction de l’entreprise utilisatrice et de représentants des syndicats parties prenantes aux élections.

Fidèle à ses pratiques déloyales la société FRANCAISE DE SERVICES GROUPE a fait signer les salariés concernés sur une feuille d’émargement vierge et a ensuite remis ce document, après l’avoir complété, à la direction du MERCURE SUFFREN.

Se rendant compte de cette supercherie plusieurs femmes de chambre sont quand même venues voter en produisant des attestations sur l’honneur sur l’exercice de leur droit d’option, qui, le rappelle la Cour de cassation s’exerce au moment des élections dans l’entreprise utilisatrice (et de façon séparée pour celle des délégués du personnel et celle des membres du Comité d’entreprise - Cassation sociale 28 septembre 2011, n° 10-27374).

Le Tribunal d’instance ne s’est pas laissé abuser et a analysé minutieusement les documents produits par l’employeur pour les rejeter.

Dans un domaine similaire la Cour de cassation a jugé qu’un travailleur mis à disposition peut être désigné représentant de la section syndicale dans l’entreprise utilisatrice : Cassation sociale 29 février 2012 n°11-10904 :

« Attendu, selon le jugement attaqué, que Mme X..., salariée de la société Rosenthal France, exerce ses fonctions de démonstratrice au sein de la société Printemps depuis 2001 ; qu’elle a été désignée représentante de la section syndicale de l’établissement de Strasbourg de cette société par le syndicat UNSA Printemps le 18 novembre 2010 ;
Attendu que pour annuler cette désignation, le tribunal d’instance énonce que ni la loi du 20 août 2008, à présent applicable et rendant obsolète la jurisprudence antérieure, ni la convention collective applicable aux démonstrateurs et démonstratrices employés dans les grands magasins ne prévoient la possibilité, pour un salarié extérieur, mis à disposition, comme l’est un démonstrateur, d’exercer des mandats syndicaux au sein de l’entreprise utilisatrice et que dès lors, il convient de retenir que le représentant de la section syndicale doit appartenir au personnel de l’entreprise ou de l’établissement ;
Qu’en statuant ainsi, le tribunal, qui a ajouté au texte une condition qu’il ne comportait pas, a violé les textes susvisés ; »

Il est également acquis depuis fort longtemps que le TAM peut être élu au CHSCT de l’entreprise utilisatrice ([Cassation sociale 14 décembre 1999 Galeries Lafayette, n° 98-60629).

Il faudrait donc que la direction du groupe ACCOR (n°1 de l’hôtellerie en Europe) particulièrement en pointe sur la destruction de la communauté de travail (voir son opposition au droit des TAM d’être éligibles dans une délégation unique du personnel battue en brèche par la Cour de cassation- arrêt 5 décembre 2012 n°12-13828 CGT Commerce Paris c/ Novotel Paris Les Halles- Droit ouvrier octobre 2012 p 660 et s Thierry DURAND et mars 2013 p 217 et s.) comprenne qu’elle va contre le sens de l’histoire sociale de ce pays.

Il est par contre plus difficilement compréhensible de trouver les syndicats FO ACCOR et CGT des agents de propreté de la région parisienne (affilié à la fédération CGT des Ports et docks) aux côtés de la direction pour s’opposer au droit de vote des TAM dans ces élections. Eux n’ont plus, c’est un euphémisme, ne vont pas dans le sens de l’histoire !


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