Chronique ouvrière

Le dépôt d’une main courante n’interrompt pas la prescription disciplinaire

mercredi 21 août 2013 par Pascal MOUSSY
Conseil d’État le 27 juin 2013.pdf

Il résulte des dispositions de l’article L. 1332-4 (ancien article L. 122-44) du Code du travail qu’« aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».

Ces règles concernant la prescription en matière disciplinaire ont bien sûr vocation à jouer à l’occasion de la procédure de licenciement pour faute du salarié protégé.

Par un arrêt du 8 juin 1990 (n° 76102 ; Rec. 154), le Conseil d’Etat a souligné que la prescription ne peut trouver à s’appliquer lorsque des poursuites pénales ont été exercées avant l’expiration du délai de deux mois.

L’acte de poursuite qui interrompt la prescription, c’est celui qui met en mouvement l’action publique. Il peut émaner du Ministère public ou de la partie lésée, par une délivrance d’une citation directe ou par une constitution de partie civile devant la juridiction d’instruction (voir, à ce sujet, G. STEFANI, G. LEVASSEUR, Procédure pénale, 16e éd., Dalloz, 1996, 140 et s ; F. DESPORTES, L. LAZERGES-COUSQUER, Traité de procédure pénale, Economica, 2009, 623 et s.).

Par son arrêt du 27 juin 2013, le Conseil d’Etat précise que le dépôt d’une main-courante ne saurait être assimilé au déclenchement de l’action publique.

La direction de l’hôtel avait eu connaissance en octobre 2004 de l’embauche, sur la base de documents administratifs falsifiés, d’une salariée étrangère dépourvue de titre de travail par la gouvernante générale de l’hôtel, par ailleurs déléguée du personnel et représentante du personnel au comité d’entreprise. Elle avait engagé une procédure de licenciement à l’encontre de la gouvernante générale qui ne s’était pas montrée assez suspicieuse le 25 juillet 2005… Ce qui était un peu tard, si l’on prend en compte le délai de deux mois voulu par la loi.

L’employeur entendait convaincre qu’il n’avait pas confondu vitesse et précipitation en faisant valoir qu’il avait déposé une main courante dès le 6 octobre 2004 et qu’il avait ainsi interrompu le délai de prescription.

« Faire une déclaration de main-courante, c’est faire consigner des faits sans déposer plainte. C’est une simple déclaration  » (http://vosdroits.service-public.fr/F11182.xhtml).

Le dépôt d’une main courante ne saurait dès lors être sérieusement assimilé à la plainte avec constitution de partie civile qui met en mouvement l’action publique.

Le Conseil d’Etat n’a pu que valider l’arrêt de la cour administrative d’appel qui avait jugé que le dépôt de la main courante et le déclenchement d’une enquête préliminaire ne pouvaient être regardées comme constituant l’exercice de poursuites pénales au sens des dispositions de l’article L. 122-44 du Code du travail et qui en avait déduit, en l’absence de tout acte mettant en mouvement l’action publique dans le délai de deux mois prévu par ce même article, qu’à la date du 25 juillet 2005 à laquelle une procédure de licenciement avait été engagée à l’encontre de la gouvernante générale mise en cause, les faits reprochés à cette dernière étaient prescrits.


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