Chronique ouvrière

La "prise d’acte de la rupture" du contrat de travail empêcherait toute demande de réintégration, même si la rupture produit les effets d’un licenciement nul

mardi 4 juin 2013 par Alain HINOT
Cass Soc le 29 Mai 2012.pdf

Une aide-soignante ayant exercé différents mandats de représentation du personnel et en particulier un mandat de délégué syndical prenait acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements de l’employeur à ses obligations.

Par un jugement du 26 octobre 2010, le CPH de Toulon disait que la prise d’acte était justifiée et devait produire les effets d’un licenciement nul et le 12 avril 2011 la salariée sollicitait logiquement en référé sa réintégration. Mais la cour d’appel d’Aix en Provence rejetait la demande au motif que la salariée avait précédemment sollicité des indemnités de rupture lors de la procédure précédente, de sorte qu’elle "pourrait avoir renoncé à sa réintégration" et qu’il existait donc une contestation sérieuse tenant à "l’articulation d’une prise d’acte, ainsi exprimée, avec une demande postérieure de réintégration"

Par cet arrêt de rejet du 29 mai 2013 (n° 12-15974 PB sur le premier moyen - M. LACABARATS, président), la Cour de cassation juge très curieusement que "la prise d’acte de la rupture par un salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur, entraîne la rupture immédiate du contrat de travail et ne peut être rétractée" et "qu’il en résulte qu’un salarié protégé qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail, ne peut ultérieurement solliciter sa réintégration dans son emploi".

C’est la première fois que nos hauts magistrats se penchent explicitement sur une telle problématique et la décision pourrait sembler relativement logique, à première vue.

Mais l’on pourrait au contraire considérer qu’une rupture constatée par le salarié comme consécutive à des actes illicites ou à une violation d’un statut protecteur doit produire les mêmes effets qu’un licenciement nul, car en réalité c’est bien l’employeur qui fait alors obstacle à la poursuite du contrat et qui contraint le salarié à partir.

Concernant un salarié protégé, une telle situation n’est donc qu’un licenciement non autorisé pratiqué sous une forme sophistiquée.

Dans cette affaire la Cour de cassation considère donc que la fin justifie les moyens, feignant de ne pas comprendre que c’est en fait l’employeur qui a rompu le contrat en obligeant le salarié à interrompre son supplice.

Notons qu’en d’autres temps et par un arrêt de rejet du 19 juin 2007 (n° 06-44570 non publié au bulletin - Mme COLLOMP, président), la Cour de cassation avait "laissé passer" la réintégration d’un salarié protégé dans son emploi antérieur "avec tous les effets de droit qui s’y rattachent", en référé et sous astreinte, alors qu’il avait lui aussi pris acte de la rupture de son contrat et obtenu la reconnaissance de la nullité de la rupture.

Moralité Si les termes ont tant d’importance aujourd’hui pour nos doctes édiles, transformons notre vocabulaire et ne parlons plus désormais que de la "constatation de la rupture aux torts de l’employeur".


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