Chronique ouvrière

Le droit de ne pas être soumis à un harcèlement moral constitue une liberté fondamentale que le juge des référés doit faire respecter

lundi 8 décembre 2014 par Alain HINOT
CE Le jeudi 19 juin 2014.pdf

Selon l’article L. 521-2 du code de justice administrative : " le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale". Saisi d’une telle demande, le Tribunal "se prononce dans un délai de quarante-huit heures “.

Par ailleurs, aux termes de l’article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : “ Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel “.

Dans un arrêt de rejet du 19 juin 2014 (n° 381061 publié au recueil Lebon) le Conseil d’Etat juge que le droit de ne pas être soumis à un harcèlement moral constitue pour un fonctionnaire une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

En l’espèce un agent de maîtrise avait été recruté par la commune du Castellet en 2003. A partir de l’année 2004 il était mis à l’écart de son équipe, privé de ses responsabilités d’encadrement et de l’utilisation des moyens affectés aux services techniques.

Cette situation d’isolement et de désoeuvrement engendrait chez le fonctionnaire un état dépressif et des perturbations dans sa vie personnelle, ce qui le décidait à porter plainte en 2010 contre le maire du Castellet qui était condamné en première instance pour harcèlement moral à un an de prison avec sursis, 3 ans d’interdiction d’activité de maire, 15 000 € d’amende et à verser 40 000 € de dommages et intérêts au fonctionnaire au titre du préjudice moral pour la période courant de janvier 2004 au 31 décembre 2010.

La situation de harcèlement se poursuivant, l’agent saisissait le juge des référés du tribunal administratif de Toulon le 19 mai 2014 lequel estimait (la condition particulière d’urgence requise par les dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative étant remplie), que le maire du Castellet continuait à porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale et lui enjoignait, d’une part, de : " mettre en oeuvre, dans un délai de 48 heures, tous les moyens humains et matériels afin de permettre au fonctionnaire d’exercer ses fonctions d’agent de maîtrise conformément à la fiche de poste correspondant à son cadre d’emplois " et, d’autre part, de " lui permettre de bénéficier, indépendamment de la surveillance régulière qui est par ailleurs exercée par le médecin du travail, d’un examen médical périodique auprès du médecin de prévention ".

Nul doute que le même syllogisme et les mêmes demandes peuvent être transposés en prud’homie au profit des salariés harcelés moralement. Le non respect d’une liberté fondamentale constituant en effet toujours, un trouble manifestement illicite qu’il conviendrait évidemment de faire cesser d’urgence.


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