Chronique ouvrière

De la question du pouvoir spécial dans l’acte d’appel ou de cassation par un mandataire

vendredi 9 mai 2014 par Alain HINOT
Cass. Soc. Le 24 Octobre 2012.pdf

Dans les procédures dispensées du ministère d’avocat, les déclarations d’appel ou de cassation peuvent être formées par un mandataire.

Ainsi, en matière prud’homale l’art. R 1461-1 CT dispose-t-il que : « [ … ], L’appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse par lettre recommandée au greffe de la cour. [ … ]  ».

La jurisprudence est venue préciser que ce mandataire ad hoc (dont le mandat est régi par les art. 1984 du code civil et suivants, de sorte qu’il n’a nul besoin de faire parti de la liste de l’art. R 1453-2 CT qui énumère limitativement les personnes habilitées à assister ou à représenter les parties en prud’homie), doit justifier d’un pouvoir spécial donné avant la date d’expiration du délai d’appel (notamment : cass soc 03 mai 2011 n° 09-42620 et 04 mai 2011 n° 09-72570). Ainsi, il est d’usage de joindre un pouvoir spécial aux déclarations d’appel effectuées par mandataires et il est aussi habituel de considérer qu’en l’absence d’un pouvoir spécial la régularisation n’est possible que jusqu’à la fin du délai d’appel.

En matière d’élection professionnelle, l’article 999 CPC prévoit que : «  [ … ], Le pourvoi est formé par déclaration orale ou écrite que la partie, ou tout mandataire muni d’un pouvoir spécial, fait, remet ou adresse par pli recommandé au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision attaquée. ».

Notons que ce texte précise que le mandataire doit être « muni » d’un pouvoir spécial, mais n’indique nullement que ledit mandat doit être joint à la déclaration.

Il était donc permis de se demander si le dépôt d’un pouvoir spécial lors de la déclaration d’appel ou de cassation auprès du greffe de la juridiction concernée (ou avant la fin du délai de recours), est une condition absolument nécessaire à la recevabilité de l’acte.

D’autant que selon l’art. 1985 du code civil « Le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement, mais la preuve testimoniale n’en est reçue que conformément au titre "Des contrats ou des obligations conventionnelles en général." », et que selon le même texte « L’acceptation du mandat peut n’être que tacite et résulter de l’exécution qui lui a été donnée par le mandataire. ».

Notons d’ailleurs qu’en ce qui concerne le mandat des « délégués syndicaux » appelés à assister ou à représenter les salariés ou les employeurs en matière prud’homale (art. R 1453-2 CT), la Cour de cassation a eu l’occasion d’indiquer que le délégué pouvait saisir lui-même le Conseil de prud’homme et ne justifier de son mandat qu’au jour de l’audience (cass soc 19 octobre 2010 n° 09-41255), ce qui revient à considérer que si le demandeur est présent lors du bureau de conciliation (par exemple), une simple confirmation verbale de sa part de l’existence du mandat au jour du dépôt au greffe de la demande en justice suffit.

Cette décision du 19 octobre 2010 rendue à propos de l’acte introductif d’instance, pouvait-elle être transposée aux actes d’appel ou de cassation ?

C’est positivement que répond la Cour de cassation dans un arrêt du 24 octobre 2012 (n° 11-60223 PB mais passé un peu inaperçu), à propos du pourvoi en cassation.


« Dans les matières où les parties sont dispensées du ministère d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, le pourvoi est formé par déclaration écrite ou orale par la partie ou son mandataire muni d’un pouvoir spécial, donné par écrit dans le délai fixé par la loi pour former pourvoi, dont il peut être justifié jusqu’au jour où le juge statue ».

Ici, l’exigence d’un pouvoir spécial écrit se comprend essaiment s’agissant d’une procédure écrite, mais il suffira, en cas d’oublie lors de la déclaration, d’adresser au greffe de la juridiction ledit document portant impérativement une date située entre le jour du prononcé de la décision attaquée et le jour du dépôt ou de l’envoi du recours en cassation.

Si l’on transpose la solution à l’acte d’appel en matière prud’homale tout en la conjuguant avec l’arrêt déjà cité du 19 octobre 2010, on pourra considérer qu’aucun pouvoir écrit n’est nécessaire si l’appelant est présent lors de l’audience et, qu’en tout état de cause, il pourra être justifié par écrit du mandat de former appel jusqu’au jour du prononcé de l’arrêt.


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