Chronique ouvrière

Crèche Baby- Loup : La Cour d’appel de Paris jette un voile sur l’arrêt de cassation du 19 mars 2013

vendredi 29 novembre 2013 par Alain HINOT
CA Paris 27 Novembre 2013.pdf

Rappel des faits : Une salariée éducatrice de jeunes enfants et directrice-adjointe au sein de la crèche Baby Loup de Chanteloup-les-Vignes (78), est licenciée pour faute grave pour avoir refusé de retirer son voile pendant les heures de travail.

Dans un arrêt "Baby-Loup" du 19 mars 2013 (n°11-28845 PB), qui fit sensation, la haute Cour, cassant l’arrêt confirmatif du 27 octobre 2011 de la 11ème chambre de la Cour d’appel de Versailles, avait jugé que "le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public ; qu’il ne peut dès lors être invoqué pour les priver de la protection que leur assurent les dispositions du code du travail", que "la clause du règlement intérieur, instaurant une restriction générale et imprécise, ne répondait pas aux exigences de l’article L. 1321-3 du code du travail" et que "le licenciement, prononcé pour un motif discriminatoire, était nul".

La Cour de cassation précisait aussi « qu’il résulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1133-1 et L. 1321-3 du code du travail que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché".

Les médias en avaient conclu que la salariée "voilée" avait gagné son procès, puisque la Cour de cassation estimait que son licenciement était nul.

C’était sans compter sur les capacités créatives des juges du fond, car la Cour d’appel de renvoi (Paris 6-9), dans un arrêt du 27 novembre 2013, confirme, elle aussi, le jugement du CPH de Mantes la Jolie du 13 décembre 2010 qui avait, en premier lieu, estimé que le licenciement pour faute grave de la salariée "voilée" était justifié.

Le raisonnement de la cour d’appel de Paris repose sur deux piliers. Le premier n’emporte pas facilement l’adhésion.

Pour la juridiction parisienne la crèche Baby Loup serait une "entreprise de conviction" (une variante de "l’entreprise de tendance"), car ses statuts précisent qu’elle a pour objectif "de développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et d’œuvrer pour l’insertion sociale et professionnelle des femmes sans distinction d’opinion politique et confessionnelle", de sorte qu’elle pourrait inscrire dans son règlement intérieur une obligation de neutralité du personnel dans l’exercice de ses tâches.

Le second moyen, plus convaincant, utilise les principes de finalité et de proportionnalité (articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1133-1 et L. 1321-3 CT) que l’arrêt d’appel précédemment cassé avait également manié mais de façon plus succincte.

En fin de raisonnement la Cour d’appel de renvoi estime que des restrictions à la liberté religieuse peuvent être prévues par le règlement intérieur dès l’instant où la nature de la tâche à accomplir est proportionnée au but recherché. Dans ce cas, les restrictions ne présentent alors aucun caractère discriminatoire.

C’est dorénavant l’Assemblée plénière de la Cour de cassation qui devrait trancher définitivement la question.


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