Chronique ouvrière

Où l’on voit que la discrimination syndicale peut se doubler de harcèlement moral et qu’une prime de bilan doit être versée équitablement

lundi 4 novembre 2013 par Alain HINOT
Cass Soc le 31 octobre 2013.pdf

Un délégué syndical CGT au sein du magasin Leclerc de Conflans St Honorine, élu à la DUP et conseiller
prud’homme, obtenait du Conseil de prud’homme de Mantes la Jolie puis de la 5ème chambre de la Cour d’appel de Versailles la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur pour discrimination syndicale et défaut de paiement d’une prime de bilan collective annuelle versée aux autres salariés (environ 500 € pour les employés, 2 500 € pour les AM, 10 000 € pour les cadres et même plus de 110 000 € pour l’une des cadres par ailleurs épouse du propriétaire du magasin Leclerc).

Relevant de très nombreux et graves actes anti-syndicaux et condamnant lourdement la société au titre de la discrimination syndicale et de la résiliation judiciaire, la Cour d’appel n’avait cependant pas reconnu le harcèlement moral invoqué par le salarié en considérant notamment que les actes discriminatoires ne pouvaient constituer également des actes de harcèlement. La Cour avait aussi limité les condamnations au titre de la prime de bilan au niveau de celle attribuée aux employée, alors même que Leclerc ne justifiait nullement que l’inégalité de traitement entre les catégories de salariés reposait sur des éléments objectifs et pertinents (arrêt CA Versailles 5ème du 15 mars 2012).

Par cet arrêt de cassation partiel du 31 octobre 2013 (n° 12-19370), la Cour de cassation rappelle les règles probatoires à appliquer en matière de harcèlement moral et d’égalité de traitement.

Concernant le moyen relatif au harcèlement moral, la haute Cour relève que le salarié produisait des éléments qui permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral tels que : "les mesures vexatoires dont il a fait l’objet ainsi que des sanctions disciplinaires qui ont été annulées par décisions judiciaires, l’obligation dans laquelle il s’est trouvé de présenter de multiples réclamations pour le paiement de ses heures de délégation, le contrôle tatillon de ses absences dans le cadre de ses mandats, l’absence d’ évolution de carrière entre son embauche en septembre 2001 et son départ de l’entreprise fin 2008, l’absence d’entretien annuel d’évaluation et formation pour les nouveaux outils informatiques qu’il devait utiliser, l’absence de versement de la prime de bilan versée aux autres salariés, la mise en oeuvre par l’employeur d’une procédure de licenciement pour faute grave pour laquelle il n’a pas obtenu l’autorisation de l’inspection du travail, la mise sous vidéo surveillance de l’accès au local syndical".

Il est donc clairement affirmé que des actes de harcèlement moral peuvent cacher une situation discriminatoire, et inversement, pouvant donner lieu à des indemnisations et à des conséquences indépendantes, mais aussi convergentes.

Concernant le principe "à travail égal, salaire égal" et les primes de bilan, la chambre sociale reproche aux juges du fond de ne pas avoir rechercher : "si la disparité entre les salariés selon leur appartenance à des catégories professionnelles différentes reposait sur des raisons objectives et pertinentes de nature à justifier la différence de traitement entre les intéressés".

Ainsi, la Cour d’appel de renvoi aura à décider si au lieu d’un rappel de prime de bilan sur 05 ans de 2 728,08 €, le salarié n’aurait pas droit, par hasard, à un rappel de 550 000 € et si la moyenne de ses salaires (base de l’indemnisation au titre de la résiliation judiciaire) ne devrait pas être fixée à la somme mensuelle brute de 10 718,72 € au lieu de 1 552,06 €.

Il sera bien compliqué pour les défenseurs de Leclerc de convaincre les juges qu’une prime de bilan fonction du résultat annuelle du magasin et du travail collectif de l’ensemble des salariés puisse être partagée de façon aussi inéquitable entre catégories professionnelles.


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