Chronique ouvrière

Durant un arrêt maladie, un employeur ne peut laisser travailler un salarié sans le rémunérer

mardi 11 décembre 2012 par Alain HINOT
Cass. Soc. 21 novembre 2012.pdf

Une salariée attachée commerciale est victime d’un accident du travail et placée en arrêt de travail au titre de cet accident puis en arrêt maladie pendant environ 03 ans. Pendant la suspension de son contrat elle continue néanmoins a effectuer des prestations de travail pour le compte de son employeur "ponctuellement et bénévolement, par conscience professionnelle aiguë".

Ceci est une situation plus fréquente qu’on pourrait le croire avec, notamment, les possibilités qu’offrent aujourd’hui le net. Des salariés (souvent des cadres, mais pas seulement), sont ainsi sollicités par leur employeur pour "finir des dossiers" en travaillant ou non à distance, voir même pour continuer à voir certains clients "importants" et passer au bureau de temps en temps.

La CPAM, qui en l’espèce a détecté la situation, assigne la salariée et obtient le remboursement des indemnités journalières perçues pour 28 498 €.

C’est alors que la salariée saisit la juridiction prud’homale d’une demande de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L. 324-11-1 CT devenu L 8223-1 (DI pour dissimulation du travail), pour un montant correspondant à sa propre condamnation.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence déboute la salariée par un arrêt du 16 septembre 2000 au motif que nul document ne permet d’établir l’existence d’une contrainte exercée sur la salariée, de sorte "qu’elle ne pouvait répercuter les conséquences de sa faute personnelle sur l’employeur".

Par cet arrêt du 21 novembre 2012 (n° 11-23009), la Cour de cassation casse la décision d’appel au visa de l’art. 1147 du code civil (DI pour non respect du contrat), en jugeant que dès l’instant où les magistrats avaient constaté que "l’employeur avait laissé la salariée travailler en période de suspension du contrat de travail, d’abord pour cause d’accident du travail, ensuite pour cause de maladie", ils leur appartenaient "de tirer les conséquences de cette suspension".
La suspension de la suspension du contrat, c’est donc le travail et ce n’est pas le salarié qui est fautif de venir travailler, mais c’est au contraire l’employeur, car il devait rémunérer la salariée dès l’instant où elle suspendait son arrêt de travail et qu’il la laissait travailler.

On l’ignore souvent, mais un salarié qui a obtenu de son médecin un arrêt de travail est libre de l’utiliser ou pas, ou de l’interrompre à tout moment (l’idée que le salarié devrait produire un certificat de reprise du travail de son médecin est erronée).

Un employeur ne peut donc interdire à un salarié de reprendre son travail si celui-ci le désire et il doit reprendre le paiement du salaire, sauf à considérer que son aptitude à l’emploi doit être vérifiée auparavant par le médecin du travail ou si la durée de l’arrêt de travail nécessite obligatoirement une visite médicale de reprise.


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