Chronique ouvrière

Défaut de visite médicale de reprise et exercice du pouvoir disciplinaire

mercredi 7 novembre 2012 par Alain HINOT
Cass Soc 17 Octobre 2012.pdf

On sait que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation : « seul l’examen pratique par le médecin du travail en application des articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail met fin à la suspension du contrat de travail et qu’il incombe à l’employeur de prendre l’initiative de cette visite médicale et de convoquer le salarié par tous moyens » et que l’absence de visite médicale de reprise à l’issue de l’arrêt de travail exclue toute notion « d’abandon de poste » du salarié, même s’il ne s’est jamais présenté à son poste (notamment cass soc 28 avril 2011 - n° 09-40487 - FS-P+B ).

Un employeur ne peut donc exiger d’un salarié qu’il reprenne son emploi après un arrêt de travail pour maladie ou AT nécessitant une visite médicale de reprise par le médecin du travail.

Dans un arrêt du 30 novembre 2010 n° 09-40160, la Cour de cassation avait jugé que « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ; qu’il ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail après une période d’absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail sans le faire bénéficier, lors de sa reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d’un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation ou éventuellement de l’une et de l’autre de ces mesures ; que la cour d’appel, ayant constaté l’absence de visite de reprise par le médecin du travail jusqu’au 16 mars 2006, en a exactement déduit que le contrat de travail avait été suspendu jusqu’à cette date, peu important la reprise effective du travail ».

Ainsi, tant que la visite médicale n’a pas eu lieu le contrat de travail est suspendu de sorte que le salarié ne peut pas normalement travailler.

Mais la rédaction maladroite de l’art. R 4624-23 CT (anciennement art. R 4624-22), semble permettre cependant à l’employeur de laisser travailler le salarié pendant le délai de 08 jours pouvant précéder la visite de reprise (notons que l’art. R 4624-10 CT relatif à la visite médicale d’embauche autorise aussi l’emploie d’un salarié jusqu’à la fin de la durée de l’essai sans aucune visite médicale).

Il arrive donc couramment que des salariés travaillent pendant la période qui précède la visite médicale de reprise et même au-delà du délai de 08 jours, d’autant que rien ne semble obliger l’employeur à les rémunérer dans le cas contraire, sauf au-delà des 08 jours sous forme d’un indemnité de perte de salaire que les juges peuvent accorder.

Mais si le contrat de travail est toujours suspendu jusqu’à la visite médicale de reprise, l’employeur peut-il néanmoins sanctionner ou licencier un salarié qui comment une faute liée à l’exécution du travail pendant cette période ?

Oui, selon un arrêt très critiquable de la Cour de cassation du 17 octobre 2012 (n° 11-22287 non publié au bulletin) pris sous la présidence de M. Chollet, qui fait de la notion de suspension du contrat de travail une véritable fiction juridique.

Dans cette affaire, les fait reprochés à une salariée, qui avait été mutée pendant son arrêt maladie (notamment abandon de poste en laissant des clients seuls), se situaient à l’intérieur du délai de huit jours durant lequel selon la décision de la chambre sociale "la prestation de travail pouvait être exécutée sans que la visite de reprise ne soit effectuée".

Mais la Haute cour modère immédiatement sa position en estimant implicitement que si le dossier avait révélé un "élément médical justifiant de ce que l’intéressée n’aurait pas été en état de tenir son poste ou qu’elle aurait été obligée de cesser sa prestation de travail en raison de son état de santé", l’exercice du pouvoir disciplinaire était impossible.

En tout cas, il est clair qu’au delà du délai de 08 jours, le pouvoir disciplinaire de l’employeur est totalement paralysé.

Ouf....


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