Chronique ouvrière

CTT et requalification en CDI : Pot-pourri en un seul arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2012

dimanche 15 juillet 2012 par Alain HINOT

1 : Le salarié peut obtenir la requalification d’un CTT en CDI deux fois :

Rien n’interdit à un salarié de mener concurremment et dans la même instance, deux actions en requalification de CTT (contrats de mission) en CDI, l’une contre l’ETT en application de l’article L. 1251-16 du code de travail, l’autre contre l’entreprise utilisatrice en application de l’article L. 1251-40 du même code, comme ayant des fondements différents.

2 : L’absence de signature du contrat de mission constitue aussi une situation de prêt de main d’oeuvre illicite :

La signature d’un contrat écrit, imposée par l’article L 1251-16 du code du travail dans les rapports entre l’entreprise de travail temporaire et le salarié afin de garantir qu’ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d’oeuvre est interdite, a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée.

3 : Le refus frauduleux du salarié de signer le contrat de mission doit être prouvé par l’employeur :

Lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de mission dans une intention frauduleuse, mais dans ce cas, il appartient à l’ETT de prouver l’intention frauduleuse.

4 : La prescription de l’action en requalification d’un CTT en CDI coure à compter du terme du dernier CTT :

Selon l’article L. 1251-40 du code du travail, lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une ETT, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Il en résulte que le délai de prescription prévu par l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ne court qu’à compter du terme du dernier contrat de mission.

5 : Le recours systématique aux CTT révèlant un besoin structurel de main-d’oeuvre est prohibé :

Selon les articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail, la possibilité donnée à l’entreprise utilisatrice de recourir à des contrats de missions successifs avec le même salarié intérimaire pour remplacer un ou des salariés absents ou pour faire face à un accroissement temporaire d’activité ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente.

Il en résulte que l’entreprise utilisatrice ne peut recourir de façon systématique aux missions d’intérim pour faire face à un besoin structurel de main-d’oeuvre.

C’est le cas si durant près de quatre années consécutives, et quel que soit le motif du contrat de mission, un salarié a occupé le même emploi de manutentionnaire ou d’agent de propreté, lequel emploi était lié durablement à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

6 : On ne peut pas demander une indemnité de requalification à l’ETT, alors passons par un CDD :

Il résulte de l’article L. 1251-41 du code du travail qu’en cas de requalification d’un CTT en contrat à durée indéterminée, le juge doit accorder au salarié, à la charge de l’utilisateur, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Ainsi, le salarié ne peut prétendre au paiement, par l’ETT d’une indemnité de requalification au titre du CTT.

En effet, si l’on considère alors qu’il n’y a jamais eu de CTT à défaut d’un contrat écrit valable, la relation de travail se situait alors dans le cadre d’un contrat de droit commun à durée déterminée, c’est à dire d’un CDD, lui même irrégulier car non écrit, de sorte qu’il suffit alors de demander la requalification de ce CDD en CDI avec l’indemnité L 1245-2 CT qui va avec.


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