Chronique ouvrière

Rupture de l’essai -harcèlement moral – nullité de la rupture ou Le droit de substitution des syndicats conduit-il à une forme de subrogation des droits du salarié ?

samedi 17 décembre 2011 par Alain HINOT
Cass Soc 3 nov 2010.pdf
CA Versailles 28 novembre 2011.pdf

L’on sait que dans un certain nombre d’hypothèses les syndicats représentatifs dans l’entreprise peuvent se substituer à un salarié pour exercer une action devant le Conseil de prud’hommes, c’est notamment le cas en matière de harcèlement moral.

A cet effet, l’article L1154-2 du code du travail édicte :

« Les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions résultant des articles L. 1152 1 à L. 1152 3 et L. 1153 1 à L. 1153 4.
Elles peuvent exercer ces actions en faveur d’un salarié de l’entreprise dans les conditions prévues par l’article L1154 1, sous réserve de justifier d’un accord écrit de l’intéressé.
L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre fin à tout moment.
 »

Le syndicat CGT Intertechnique avait engagé en 2006 une action prud’homale en faveur d’une salariée victime d’une situation de harcèlement moral et dont le contrat avait été rompu en cours de période d’essai peu de temps après qu’elle se soit plainte de cette situation auprès de l’employeur. Les efforts du syndicat CGT efforts n’étaient pas véritablement encouragés par les juridictions du fond obligeant la Cour de cassation à intervenir par un arrêt du 03 novembre 2010 :

« Attendu que pour débouter de ses demandes le syndicat CGT Intertechnique, se substituant à Mme X... sur le fondement de l’article L. 1154-2 du code du travail, l’arrêt retient que les certificats et attestations décrivant une souffrance secondaire à une maltraitance sur le lieu de travail et rapportant que Mme X... avait été ramenée chez elle en pleurs et souffrant de nausées et qu’elle avait confié en pleurant que le docteur Z... la critiquait sans arrêt, n’établissent pas la réalité du harcèlement allégué ;

Qu’en statuant ainsi alors que ces éléments étaient suffisants pour faire présumer l’existence d’un harcèlement moral, de sorte qu’il appartenait à l’employeur de prouver que les agissements qui étaient reprochés au supérieur hiérarchique de Mme X... étaient étrangers à tout harcèlement, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

C’est ainsi que par arrêt du 30 novembre 2011, la cour d’appel de renvoi ( Versailles autrement composée ), reconnaissait la situation de harcèlement moral et prononçait diverses condamnations à l’encontre de la société Intertechnique et de la personne qui avait commis les actes de harcèlement.

L’intérêt de cette arrêt est surtout de reconnaître que la rupture d’une période d’essai peut être est nulle et de nul effet comme procédant en réalité d’une cause illicite liée à la dénonciation par la salariée de la situation de harcèlement moral quelques jours avant la rupture.

Saluons la persévérance du syndicat CGT Intertechnique et de son représentant qui ont su obtenir par leurs seuls moyens un tel succès lequel servira à beaucoup d’autres salariés. Ceci démontre encore une fois que l’activité juridique doit être un moyen d’action syndicale majeur.

Mais la particularité très surprenant de cette décision tient au fait que les condamnations à charge de la société le sont au profit du syndicat directement, alors que celui-ci ne le demandait absolument pas ( il suffit de lire le rappel de la procédure et des demandes pour le constater ).

La cour d’appel a donc considéré, d’office, que le syndicat demandeur « agissant pour le compte de la salariée » ( indication portée sur la 1ère page de l’arrêt ), était véritablement subrogé dans les droits de la salariée.

Or, l’art. L 1154-2 CT précise au contraire que le droit de substitution en justice conféré aux syndicats, n’est qu’un droit d’action lequel est en fait exercé en « faveur d’un salarié » et non pas en faveur de l’organisation.

Une telle confusion qui ne posera aucune difficulté pratique en l’espèce, ouvre malencontreusement la porte du pourvoi à l’employeur, sauf à solliciter une rectification d’erreur matérielle.


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