Chronique ouvrière

Quelques pistes pour mettre fin au temps partiel variable subi

lundi 5 novembre 2007 par Claude LEVY

Depuis plusieurs arrêts rendus en 1997 (Barba c/ Renard 29/01/1997, Paris européenne de déménagement 12/11/1997) la Cour de cassation, sous le visa de l’article L212-4-3 du code du travail, a énoncé qu’à défaut d’indication dans le contrat de travail écrit à temps partiel de la répartition des horaires entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois, ou de la preuve rapportée par l’employeur de cette répartition, le contrat devait être requalifié en temps complet.

Le salarié à temps partiel ne peut être mis dans l’impossibilité de savoir à quel rythme il doit travailler et dans l’obligation de se tenir à la disposition permanente de l’employeur
(Cassation sociale Sté des hôtels Concorde 14/12/2005, Sté Le Country 16/12/2005, Langues et entreprises 14/12/2006).

Le contraire porterait atteinte à sa vie privée s’il a choisi de travailler à temps partiel, et à sa situation économique s’il recherche un deuxième emploi à temps partiel avec des horaires qui soient compatibles avec ceux du premier contrat.

Des clauses contractuelles autorisant l’employeur à répartir le temps de travail sur toute la journée et sur tous les jours de la semaine sont régulièrement sanctionnées par une requalification du contrat à temps plein, avec la possibilité de réclamer les rappels de salaires induits (Cassation sociale 21/5/2002 SNC Invest Hôtels Auch, 12/07/2005 Campanile).

Il est important de rappeler également que la répartition des horaires à temps partiel est un élément du contrat qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié sauf à avoir prévu dans le contrat écrit les cas et la nature de telles modifications (depuis Cassation sociale REBOUL 7/07/1998), et respecté le délai de prévenance, en général de 7 jours (article L212-4-3 1er, 5ème et 6ème alinéas).

Toutefois, même si le contrat est conforme, le salarié peut refuser cette modification, dès lors que ce changement n’est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur, avec une période d’activité fixée chez un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Son refus ne peut constituer un motif de licenciement.

Ces quelques règles, non exhaustives, rappelées, il en reste une, peu utilisée devant les Conseils de prud’hommes, mais à l’efficacité redoutable, remise au goût du jour par la première loi Aubry du 13 juin 1998 revenant partiellement sur les ravages commis par le temps partiel annualisé de Mr BALLADUR.

Il s’agit de la règle fixée par le dernier alinéa de l’article L212-4-3 du CT (supprimée sous une forme similaire en 1986 par Mr SEGUIN, mieux inspiré depuis qu’il préside la Cour des comptes) :

« Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze semaines, l’horaire moyen réellement effectué par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l’équivalent mensuel de cette durée, l’horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d’un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé, en ajoutant à l’horaire antérieurement fixé la différence entre cet horaire et l’horaire moyen réellement effectué. »

Cette règle a l’avantage majeur de ne pas constituer une simple présomption de requalification de l’horaire mensuel qui permettrait toutes les tergiversations et autres argumentations fumeuses des employeurs, mais une règle impérative, « l’horaire ……………est modifié………. sauf opposition du salarié intéressé » , qui ne saurait donc autoriser le renversement de la preuve.

Les théories spécieuses développés par des cabinets d’avocats, fers de lance du patronat le plus rétrograde (que nous ne citerons pas par respect pour une profession comportant quelques membres honorables dont certains font même partie du comité de rédaction de Chronique ouvrière) ne tiennent pas la route.

L’une consiste à prétendre qu’à défaut d’opposition du salarié, il est réputé refuser la modification à la hausse de ses horaires. Sans commentaires.

La seconde développe l’idée que le salaire est la contrepartie du travail et que l’on ne saurait
accorder des rappels de salaires en l’absence de fourniture d’un quelconque travail.
Vision civiliste qui nous rajeunit d’au moins 20 ans, mais fait fi du lien de subordination et de toute la jurisprudence intervenue depuis lors, qui, progressivement, a condamné les employeurs à payer des rappels de salaires et non simplement des dommages et intérêts en cas de non respect de leurs obligations essentielles de fourniture de travail (par exemple en cas de non respect de l’article L122-12 et de demande de poursuite du contrat de travail).

Enfin, il est régulièrement prétendu que le salarié travaille ailleurs ou perçoit les Assedic, ce qui ne lui permettrait pas d’obtenir des rappels de salaires.
On lui reproche schématiquement de ne pas rester crever de faim ou de ne pas attendre d’être expulsé de son logement, en attendant que son employeur daigne respecter le code du travail.

Ce dernier argument sera balayé en invoquant notamment l’adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » et la jurisprudence sur l’impossibilité de déduire quoi que ce soit des rappels de salaires dus, notamment en cas de nullité du licenciement, aux salariés protégés (représentants du personnel Cassation sociale IBM 23/05/2000, femmes enceintes Cassation sociale 10/04/1991 Framatome, grévistes Cassation sociale COLAS 2/02/2006).

Pour ce qui concerne les allocations versées par les Assedic le caractère subsidiaire de celles-ci ne libère pas l’employeur de ses obligations (Cassation sociale 30/05/2007 Sté garages de Vincennes).

On relèvera que la règle fixée par le dernier alinéa de l’article L212-4-3 du CT est appliquée régulièrement par la Cour d’appel de PARIS (18èmeD Cohésium études 5/06/2007 RG 06/12722 , 22èmeB GMV conseil 12/09/2006 RG 04/09508, 18èmeC SAMSIC 01/03/2007 RG S06/09652) et par la Cour de cassation (Cabinets d’avocats HERTSLET 14/06/2006), y compris en cas de cumul d’un CDI à temps partiel avec des CDD de remplacement (Cassation sociale La poste de Corrèze 24/11/1998, Supermarché MATCH 5/06/2006).

Il ne reste donc plus qu’à l’activer régulièrement.

Le gouvernement ne s’y est pas trompé et n’a pas manqué de le faire, craignant les patrons tricheurs (ça existe ?) sur les réductions de cotisations sociales.

Un nouvel article a été instauré dans le code de la sécurité sociale (décret du 24/09/2007) :

« Art. D. 241-23. - Lorsque les heures complémentaires effectuées de manière régulière au sens du septième alinéa de l’article L. 212-4-3 du code du travail ne sont pas intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant la durée minimale prévue à l’article 38 septdecies
de l’annexe III au code général des impôts, le reversement à l’organisme de recouvrement des montants de la réduction de cotisations salariales précédemment calculés sur la période de douze ou de quinze semaines prévue au septième alinéa de l’article L. 212-4-3 précité doit être effectué au cours du mois civil suivant cette période. »

On ne manquera pas également de faire valoir cette disposition !


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