Chronique ouvrière

Un licenciement intervenu en violation du droit à la formation peut être nul

mardi 28 juin 2011 par Alain HINOT
CA Versailles 19 janvier 2011 .pdf

FRACASSANT.

Après 08 année de présence dans une entreprise, une salariée s’absente 11 ans dans le cadre de 03 congés maternité, 03 congés parentaux et une année sabbatique.

Son retour dans l’entreprise est difficile car la salariée ne maîtrise pas les nouveaux outils informatiques et notamment la pratique des e-mails. Une formation de bureautique à raison de deux demi journées par semaine lui est dispensée. Mais la salariée est finalement licenciée pour "insuffisance professionnelle et comportement inadapté".
Or, l’article L1225-59 CT édicte :

"Le salarié reprenant son activité initiale bénéficie d’un droit à une action de formation professionnelle, notamment en cas de changement de techniques ou de méthodes de travail.

Le salarié peut également bénéficier de ce droit avant l’expiration de la période pendant laquelle il entendait bénéficier d’un congé parental d’éducation ou d’une période d’activité à temps partiel. Dans ce cas, il est mis fin au congé parental d’éducation ou à l’exercice d’une activité à temps partiel pour élever un enfant.".

Par un arrêt du 19 janvier 2011, la 17ème chambre de la cour d’appel de VERSAILLES estime que la formation dispensée était dérisoire au regard des connaissances initiales de la salariée, de son absence prolongée et de sa nécessaire réadaptation et que le licenciement est intervenu dans un temps extrêmement court, trop court pour apprécier les qualités professionnelles de la salariée, alors que les techniques et les méthodes de travail avaient changé au sein de l’entreprise.

Les juges soulignent que la salariée avait prévenu son entreprise "de la reprise du travail plus d’un mois avant l’échéance", ce qui n’a pourtant pas amené l’entreprise à lui proposer une formation anticipée comme le prévoit pourtant la loi".

Les juges, sur proposition de Me LIGIER Didier qui défendait la salariée, se montrent alors très créatifs, sinon visionnaires. Ils estiment que le licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle "après 12 jours de travail effectif et une interruption professionnelle quasi continue de plus de 11 années", est illicite et nul pour violation de l’art. L 1225-59 CT et au droit fondamental de tout salarié à la formation.

Rappelons que la Cour de cassation estime que, sauf prévision expresse de la loi, un licenciement ne peut être annulé que s’il se heurte à une liberté fondamentale.

L’audacieuse position de la Cour d’appel de VERSAILLES ne peut être qu’approuvée car le droit à la formation dont il s’agit a pour finalité de permettre le retour à l’emploi d’un parent ( multi-récidiviste en l’espèce ) et d’une femme qui plus est, sachant que le droit à l’emploi est lui même un droit fondamentale garantie par le 5ème alinéa du préambule de la constitution de 1946.

Enfin, l’arrêt ici glorifié innove également en ce qu’il permet à la salariée qui sollicitait sa réintégration et qui se la voyait refusée par avance par l’employeur ( par conclusions certainement ), d’obtenir les conséquences classiques d’un licenciement nul sans réintégration ( indemnité de licenciement et préavis calculés néanmoins au jour du prononcé de l’arrêt et DI réparant le préjudice résultant du licenciement nul ) et, en sus, la totalité des salaires depuis le licenciement nul jusqu’au jour du prononcé de l’arrêt ( soit environ 03,50 années au salaire mensuel moyen de 2 782 € brut ).

Si certaines décisions d’appel, validées par la Cour de cassation, avaient déjà considéré qu’un salarié dont le licenciement avait été annulé en référé ou en Bureau de jugement avec exécution provisoire et qui n’avait pas pu obtenir une réintégration effective, pouvait y renoncer devant la Cour d’appel et obtenir la totalité des salaire depuis son licenciement nul jusqu’au jour des débats devant la Cour d’appel, aucune décision à ce jour, n’avait permis une telle "contraction" du temps en une seule décision.

La aussi, la solution ne peut être que saluée et espérons le, suivie.


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