Chronique ouvrière

Un juge d’instance qui constate l’absence de mise en place des IRP ou une inégalité de traitement entre organisations syndicales, doit contraindre l’employeur à remplir ses obligations sous astreinte et allouer des DI aux organisations et aux salariés qui le demandent

mardi 21 mai 2013 par Alain HINOT
Cass Soc. Le 15 mai 2013.pdf

Par un 1er jugement du 8 mars 2011, le tribunal d’instance de Puteaux annulait le premier tour des
élections professionnelles au sein de la société Avenance et par un arrêt du 11 janvier 2012 (n° 11-14292 PB), la Cour de cassation rejetait le pourvoi formé par l’employeur.

Tout en appelant que le tribunal, compétent pour statuer sur la régularité des élections contestées, était également compétent, par voie d’exception, pour apprécier la validité des accords collectifs visant à faciliter la communication des organisations syndicales en vue des élections professionnelles, statuait ainsi :

Mais attendu qu’en vertu des articles L. 2142-3 à L. 2142-7 du code du travail, l’affichage et la diffusion des communications syndicales à l’intérieur de l’entreprise sont liés à la constitution par les organisations syndicales d’une section syndicale, laquelle n’est pas subordonnée à une condition de représentativité ; que, dès lors, les dispositions d’une convention ou d’un accord collectif visant à faciliter la communication
des organisations syndicales ne peuvent, sans porter atteinte au principe d’égalité, être limitées aux seuls syndicats représentatifs et doivent bénéficier à tous les syndicats qui ont constitué une section syndicale".

Et attendu que le tribunal, qui a constaté que l’accord du 22 mai 2003 accordait des droits plus importants en matière d’affichage au sein de l’entreprise et que l’accord du 4 octobre 2005 fixait les moyens techniques de diffusion de l’information syndicale, notamment par l’intermédiaire d’un réseau intranet, aux salariés de l’entreprise, a, à bon droit, décidé que ces dispositions, réservées par les deux accords aux seuls syndicats représentatifs, devaient bénéficier au syndicat CAT qui avait constitué dans l’entreprise une section syndicale ; que, par ce seul motif, le jugement se trouve justifié”.
A la suite de cette décision de la Cour de cassation le tribunal d’instance de Puteaux était à nouveau saisi par diverses organisations syndicales non représentatives d’une demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la société Elres (venant aux droit d’Avenance), de procéder aux élections professionnelles, et ce sous
astreinte de 1.500 € par jour de retard, outre diverses demandes indemnitaires. Les demandeurs invoquaient notamment le non-respect par l’employeur des dispositions rendues par la décision du 8 mars 2011 précitée, l’absence de mise en place de scrutin professionnel.

Le 27 mars 2012, le tribunal d’instance de Puteaux prononçait un 2ème jugement statuant ainsi :

- “Dit que c’est à bon droit que l’employeur, qui a repris les négociations préélectorales en application des décisions judiciaires rendues en temps utile, a entendu les suspendre le 14 février 2012 en raison de l’impérieuse nécessité de procéder préalablement à la renégociation des accords d’entreprise" ;

- “Constate que l’employeur s’est officiellement engagé à mener rapidement ces dernières négociations en vue de la reprise dans les plus brefs délais des négociations préélectorales et enjoint la Sasu Elres à procéder à la renégociation du protocole d’accord préélectoral pour une signature devant intervenir avant le 30 septembre 2012 dans la mesure du possible” ;
M. Cordelier salarié et son syndicat Alliance Ouvrière formaient un nouveau pourvoi.

Par cet arrêt de cassation du 15 mai 2013 (n° 12-17091) ici annexé, la Cour de cassation rappelle de façon très solennelle les principes qu’elle avait déjà dégagé le 11 janvier 2012 et invite clairement les juges d’instance à faire montre de plus de sévérité envers les employeurs peu enthousiastes à respecter leurs obligations en matière d’IRP et/ou réticents à allouer aux organisations non représentatives les mêmes moyens qu’à celles déjà installées, alors même qu’une concurrence saine et loyale entre organisations syndicales (toutes remises à égalité de représentativité dans l’entreprise à chaque scrutin), suppose que l’employeur n’en favorise aucune.

Au visa des articles L. 2314-4 et L. 2324-5 CT la Cour de cassation juge :

" Que pour débouter les parties de leur demande d’organisation sous astreinte des élections et enjoindre à l’employeur de procéder à la renégociation du protocole d’accord préélectoral « pour une signature devant intervenir avant le 30 septembre 2012 dans la mesure du possible », le tribunal retient que l’employeur s’est engagé oralement à tout mettre en oeuvre pour que les négociations reprennent au plus vite sous
réserve de la remise à plat des deux accords d’entreprise critiqués judiciairement et qu’il convient de lui en donner acte, en lui donnant une date limite qui ne saurait être qu’indicative compte tenu de l’imbroglio juridique créé ;

Qu’en statuant ainsi alors qu’il constatait l’absence d’institutions représentatives du personnel et qu’il lui appartenait d’enjoindre à l’employeur de faire bénéficier tous les syndicats ayant constitué une section syndicale des dispositions des accords d’entreprise visant à faciliter la communication des organisations syndicales et notamment la propagande électorale, le tribunal a violé les textes susvisés".

Le juge d’instance aurait donc dû enjoindre, sous astreinte comminatoire, à l’employeur d’organiser sans délai des élections professionnelle et d’allouer aux syndicats non représentatifs les mêmes moyens matériels permettant une saine concurrence entre organisations. Cette évidence résulte tant de lettre que de l’esprit de la loi du 20 août 2008 portant "réforme de la démocratie sociale".

Et au visa de l’article 1382 du code civil, la Cour ajoute qu’un employeur qui n’accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d’IRP, sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui engage sa responsabilité.

En conséquence le juge d’instance qui constate une carence de cette nature doit allouer aux organisations syndicales qui le demandent, mais aussi à tout salarié de l’entreprise, des dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices.

Le code de conduite est clair à l’adresse du juge des élections professionnelles, des employeurs, des organisations syndicales et des salariés. Plus les astreinte seront lourdes et moins il y aura d’entreprise sans IRP ou fonctionnant sur des accords collectifs "vie syndicale" illicites et plus les indemnisations seront fortes et nombreuses, plus les employeurs récalcitrants se feront rares.


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